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Opéra
en cinq actes.
Représenté pour la première fois par l'Académie Royale
de Musique, le 5 Décembre 1749 et remis au Théâtre le Mardi
20 Janvier 1756.
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On
regarde ZOROASTRE comme l'Inventeur de la Magie, (a)
l'opinion la plus commune est qu'il fut le roi de la Bactriane.
Il
n'est point d'homme dans l'antiquité dont on ait tant écrit &
conté tant de fables; On ne s'accorde ni sur le temps, ni sur
le lieu de sa naissance ; on n'est guère mieux instruit des
climat où il a plus constamment vécu, ni de celui où il a cessé
de vivre. (b)
Il
fut l'instituteur de Mages, les premiers Philosophes de la terre ;
il imagina un bon & un mauvais principe, se combattant sans
cesse, jusqu'à ce que l'auteur du bien pût remporter une
victoire complète sur l'auteur du mal. (c)
Il donnait au premier le nom d'Oromase ou de Lumière, & au
dernier celui d'Ariman ou de Ténèbres. (d)
Il
rendait un culte solemnel au Soleil & au feu ; mais par
une impulsion sublime de son génie ; il n'honorait l'un,
(e) que comme le trône,
l'autre que comme le symbole du principe immuable, objet unique
de son adoration.
Il
supposait des Etres inférieurs répandus dans les différentes sphères,
pour y maintenir cette harmonie, si nécessaire au monde. Selon
Plutarque, il entretenait avec ces Génies le commerce le plus
intime. C'était-là sa magie. (f)
Un
personnage aussi célèbre par ses principes & par ses actions,
les révolutions qu'il a causé dans les esprits, la puissance surnaturelle
que les traditions anciennes lui attribuent, les biens sans nombre
qu'il a répandu sur l'humanité, ont paru le champ le plus fertile
pour un théâtre qui mériterait d'être mieux connu, & auquel
l'opinion commune semble prescrire des bornes que l'art a craint
trop longtemps de franchir.
On
oppose à ZOROASTRE un Prêtre ambitieux, Ministre farouche du mauvais
principe ; on le suppose l'inventeur de cette magie, (g)
dont le pouvoir redoutable émane des esprits des ténèbres. C'est
à lui qu'on attribue l'institution sacrilège du culte des Idoles,
& toutes les erreurs grossières qui ont si longtemps égaré
l'Univers. (h) On établit,
en un mot, Zoroastre & Abramane rivaux de puissance, de gloire
et d'amour. La force du sujet offre ainsi d'elle-même le spectacle
de la vertu toujours persécutée & jamais abattue, triomphante
enfin au moment même, où l'artifice, la haine, la vengeance ont
porté son infortune jusqu'au dernier période du malheur. (j)
Que de grands tableaux, que de machines
ingénieuses, quel jeu continuel des plus fortes passions, quelle
foule de situations frappantes ne devrait-on pas attendre d'un
fonds aussi riche, si le bonheur de l'art l'avait fait tomber
en des mains plus habiles.
(a)
On distingue deux sortes de Magie ; la Géocie qui est regardée
comme diabolique ; & la Théurgie qui est toujours bienfaisante.
(retour au texte)
(b)
Les bons Critiques s'accordent sur la pluralité des Zoroastres,
comme sur la pluralité des Hercules ; par ce moyen
on peut concilier les actions tout à fait contraires attribuées
à ce personnage célèbre. Prid. Hist. des J. Pli. Hist. hi.
n. c. 1. Phil. or. de Stanley, mise en latin par leclerc.
(retour au texte)
(c)
Et haec duo contra se invicem insurgebant, & de victoria
contendebant, donec lux viceret tenebras, & bonum malum.
Hyde His. rel. vet. Perf. (retour au texte)
(d)
Le mauvais principe est nommé indifféremment Arimanius
ou Ariman. (retour au texte)
(e)
Plu. de & Os. Huet. Consu. En. &c. (retour
au texte)
(f)
La Théurgie. (retour au texte)
(g)
La Goetie. (retour au texte)
(h)
Zoroastre eut à combattre & à détruire l'Idolâtrie répandue
dans la Bactriane, dans la Perse & dans presque tout le reste
du monde. (retour au texte)
(j)
Oromasès annonce ce dénouement Acte deuxième, Scène troisième ;
par ces deux Vers.
Le Malheur a son terme & doit avoir son cours.
Il finit dès qu'il est extrême. (retour au
texte)

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L'Ouverture
sert de Prologue.
La
Première partie est un tableau fort et pathétique du pouvoir
barbare d'Abramane, & des gémissements des peuples qu'il
opprime. Un doux calme succède : l'espoir renaît.
Le
seconde partie est une image vive & riante de la puissance
bienfaisante de Zoroastre, & du bonheur des peuples qu'il
a délivré de l'oppression.
C'est
le premier Opéra représenté sans Prologue. On se récria en 1749
contre cette nouveauté. L'expérience l'a justifiée. Le temps
est si précieux au Théâtre lyrique, une grande action exige
dans ce local une si grande quantité de moyens, le Poésie, la
Peinture, la Machine, la Musique & la Danse doivent y être
enchaînées par des mouvements si rapides & si variés, qu'on
ne peut y ménager les moments avec trop d'économie, ni en retrancher
les superfluités avec trop de sévérité.
On
avait espéré pouvoir offrir dans les habillements de cet Opéra,
le tableau pittoresque de l'ancienne manière d'Etre des Nations
qui y ont été introduites. Des obstacles imprévus ont éloigné
l'exécution de la plus grande partie de ce projet. Sans doute
naîtra-t-il un jour des circonstances plus heureuses. On peut
augurer que les Français ne voudront pas se priver longtemps
d'un plaisir si conforme à cette instruction devenue générale,
qui les distingue avec tant d'avantage de tous les autres Peuples
de la terre. C'est ici une occasion honorable pour eux de se
livrer à ce bon goût naturel qui les engage à sacrifier, du
premier coup d'oeil, toutes les vieilles routines qui enchaînent
et déshonorent les Arts, aux nouveautés heureuses qui embellissent
leur succès, qui font la preuve de leurs progrès, & les
seuls augures certains de leur durée.

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Acteurs.
ZOROASTRE,
Instituteur des Mages - M. Poirier.
AMELITE, héritière présomptive de la Bactriane - Melle
Fel.
ERINICE, Princesse du Sang des Rois de la Bactriane - Melle
Chevallier.
ABRAMANE, Grand Prêtre d'ARIMAN - M. De Chassé.
CEPHIE, Jeune Bactrienne de la Cour d'AMELITE - Melle
Davaux.
ZOPIRE & NABANOR, Prêtres d'ARIMAN - MM. Person &
Cuvilier.
OROMASES, Roi des Génies - M. Gelin.
LA VENGEANCE - M. Larivée.
UNE VOIX SOUTERRAINE - M. Desbelles.
LES FURIES - Melles Daliere, Dubois & Duval, &
MM. Le Roy & Laurent.
BACTRIENS, BACTRIENNES.
ESPRITS DES ELEMENTS.
LA HAINE, LE DESESPOIR.
DEMONS.
BERGERS & BERGERES, PÂTRES & PASTOURELLES.
La
Scène est à Bactre, Capitale de la Bactriane & dans les
environs.

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ZOROASTRE,
Opéra.
ACTE
PREMIER.
Le
Théâtre représente les Jardins des Rois de la Bactriane ;
on y voit les traces d'un orage, qui les a ravagés, & qui
vient de finir.
Scène
Première.
ABRAMANE,
ZOPIRE, NARBANOR.
ZOPIRE.
A l'heureux Abramane, enfin , tout est propice.
Le Peuple est consterné de ce ravage affreux,
Pour disposer du trône attend l'arrêt des Dieux :
Faites-les déclarer en faveur d'Erinice.
ABRAMANE.
C'en est fait : qu'à son tour Amélite gémisse.
Non je ne puis assez punir
Une inhumaine qui m'outrage.
Dans les fers odieux est-ce à moi de languir ?
Zoroastre est aimé : la haine est mon partage.
Non je ne puis assez punir
Une inhumaine qui m'outrage.
Trop ingrate Amélite, il est temps que ma rage
Te rende tous les maux que tu m'a fait souffrir.
Non je ne puis assez punir
Une inhumaine qui m'outrage.
ZOPIRE.
Et nos Dieux & le Peuple on proscrit sans retour
Le Chef audacieux d'une Secte ennemie.
Le Roi qu'avaient séduit les erreurs de l'impie,
A la Fleur de ses ans vient de perdre le jour.
Rien ne peut plus troubler le cours de votre vie,
Si vous triomphez de l'Amour.
ABRAMANE.
Zoroastre est proscrit, il fuit ; mais il respire.
ZOPIRE.
Nos Dieux de leur gloire jaloux,
Ont vengé leurs Autels, qu'ils ne doivent qu'à vous.
ABRAMANE.
Est-ce assez d'un exil pour l'horreur qu'il m'inspire ?
NARBANOR.
Peut-il échapper à vos coups ?
De
vos enchantement la force est invincible.
Le pouvoir, qu'Ariman a remis en vos mains
De sa vaste puissance est l'image terrible :
Vous avez à ses pieds entraîné les humains.
ABRAMANE.
Ce pouvoir éclatant ne touche plus mon âme.
Que l'appas d'un trône est flatteur !
Ce bien seul manque à ma grandeur ;
Et mon ambition, qui s'irrite, & s'enflamme,
Le présente sans cesse aux désirs de mon coeur.
Puis-je
compter sur Erinice ?
Zopire, elle devait m'attendre dans ces lieux.
ZOPIRE.
Vous la voyez ; mes soins ont secondé vos voeux
Qu'au défaut de l'Amour la gloire vous unisse.
Immolez tout pour être heureux.
(Il
sort avec Narbanor.)

Scène
II
ERINICE,
ABRAMANE.
ABRAMANE.
Princesse, avec Phaerès la tyrannie expire.
Ses yeux étaient couverts d'un funeste bandeau,
Et nos dieux qu'il croyait détruire,
L'ont conduit à pas lents dans la nuit du tombeau.
Voir
nos Peuples heureux, est le bien où j'aspire.
Amélite est d'un sang qui nous donna des Rois ;
Mais au trône, comme elle, Erinice a des droits,
Et les Dieux pour régler le sort de cet empire,
Vont bientôt emprunter ma voix.
ERINICE.
Je t'entends. Pour régner, parle, que faut-il faire ?
ABRAMANE.
Nous unir pour jamais.
De
mon coeur, ma juste colère
D'une ingrate efface les traits.
Je rends grâce à l'Amour, & sa rigueur m'est chère ;
Il voulait m'inspirer le désir de vous plaire,
Vous réserver un trône, & venger vos attraits.
ERINICE.
Tu prends pour t'excuser une inutile peine :
Laisse, laisse avec moi ce frivole détour.
Je te connais : tu vas ma connaître à ton tour.
Je
sens pour Zoroastre une tendresse vaine.
L'espoir de la venger l'étouffe sans retour.
Régnons, & ne songeons aux transports de l'amour.
Que pour servir ceux de la haine.
ENSEMBLE.
Unissons no fureurs.
Goûtons les douceurs
D'une vengeance éclatante.
ERINICE.
De ma rivale tremblante
Je verrai couler les pleurs.
ABRAMANE.
Je jouirai de la rage impuissante
D'un ennemi jaloux accablé de malheurs.
ENSEMBLE.
Unissons no fureurs.
Goûtons les douceurs
D'une vengeance éclatante.
ERINICE.
Hâtons-nous. Que les Dieux se déclarent pour moi :
C'est à ce prix que je me donne.
Si tu me fais régner, je jure qu'avec toi
Je partagerai ma couronne.
Dieux
terribles, Dieux puissants,
Sur ma tête lancez la foudre :
Eclatez, hâtez-vous de me réduire en poudre,
Si je trahis mes serments.
ABRAMANE.
Je ne balance plus.* Que ce don
soit le gage
Du noeud sacré qui nous engage.
(*Il
partage sa baguette magique, il en donne la moitié à Erinice.)

Prélude.

On
approche... quittons ces lieux.
Qu'Amélite à son gré me dédaigne & m'offense :
Je vous laisse un pouvoir égal à ma puissance,
Je suis assez vengé s'il éclate à mes yeux.
ERINICE.
Il suffit. Réponds-moi des Dieux,µ
Je te réponds de ta vengeance.
(Ils
sortent par les deux côtés opposés.)

Scène
III.
AMELITE,
CEPHIE, jeune BACTRIENS ET BACTRIENNES.
CHOEUR,
sur lequel on danse autour d'Amélite.
Rassurez-vous, tendre Amélite,
Voyez nos jeux, écoutez-nous ;
Que le trouble qui vous agite
Cède à l'espoir le plus doux.
CEPHIE.
A tous nos tendres soins n'êtes-vous plus sensibles ?
Ne pourront-ils jamais adoucir vos douleurs ?
AMELITE.
Ah ! Céphie !
CEPHIE.
Espérez, & suspendez vos pleurs.
Le Ciel pour la vertu peut-il être inflexible ?
C'est souvent un sort plus paisible
Que lui préparent ses rigueurs.
AMELITE.
Reviens, c'est l'amour qui t'appelle,
Cher Amant, viens régner sur des peuples soumis,
Et sur le coeur le plus fidèle.
De
tes barbares ennemis
Brave la rage criminelle ;
Calme pour ton retour, & ma terreur mortelle,
Et les peines dont tu gémis.
Reviens,
c'est l'amour qui t'appelle,
Cher Amant, viens régner sur des peuples soumis,
Et sur le coeur le plus fidèle.
(Accablée
de douleur, elle se laisse tomber sur un lit de gazon ;
sa Cour s'empresse, danse autour d'elle, & lui peint successivement
les ennuis de l'absence, & les doux transports que goûtent
les Amants, au moment du retour.)
CEPHIE.
L'Amour pour un coeur qui l'implore
N'a point d'éternelles rigueurs.
Les
tendres pleurs
Que répand l'Aurore,
Font bientôt éclore
Les plus belles fleurs.
(Le
ballet continue.)
AMELITE.
Cher Zoroastre hélas ! Quel destin est le nôtre !
Ton coeur du moins, ton coeur s'occupe-t-il de moi ?
Dieu !
S'il soupirait pour une autre,
Lorque je ne vis que pour toi ?
Non, non, une flamme volage
Ne peut ravir mon Amant.
Nos coeurs guidés par leur penchant,
Se sont choisis pour leur partage.
Tendre Amour, cet accord charmant
D'un seul de tes traits fur l'ouvrage.
Non, non, une flamme volage
Ne peut ravir mon Amant.
(Le
ballet continue, il est interrompu par un bruit semblable à
celui qui précède les tremblements de terre, le ciel s'obscurcit
&c.)
AMELITE,
CEPHIE, LE CHOEUR.
Les rayons du soleil pâlissent.
La terre tremble : le jour fuit.
Au bruit dont les airs retentissent,
Les cris des échos s'unissent.
Quelle affreuse nuit !

Scène
IV.
ERINICE,
& LES ACTEURS PRECEDENTS.
AMELITE,
en courant à Erinice.
C'est vous, chère Erinice ?... Ah ! Dans mon trouble
extrême,
Votre danger redouble ma terreur.
Fuyons des lieux remplis d'horreur :
Venez, je crains pour vous autant que pour moi-même.
ERINICE.
Il n'est plus temps de feindre. Apprends quel est ton sort,
Et tremble en connaissant ma haine et ma puissance.
AMELITE.
Qu'entends-je... Eh ! D'où peut naître un si cruel transport ?
ERINICE,
à la suite d'Amélite.
Eloignez-vous, ou craignez ma vengeance,
Redoutez des tourments plus cruels que la mort.
(La
suite sort.)

Scène
V.
AMELITE,
ERINICE.
AMELITE.
Hélas ! Tout fuit : tout m'abandonne.
ERINICE.
Ton bonheur disparaît, & leur fuite t'étonne ?
Venez,
Esprits cruels, soumis à mon pouvoir,
Abramane commande, & ma voix vous appelle,
Venez, faites régner à jamais autour d'elle
La terreur & le désespoir.
(Elle
disparaît.)

Scène
VI
ESPRITS
CRUELS, AMELITE.
AMELITE.
Dieux, protecteurs de l'innocence ;
Dieux justes, prenez ma défense !
CHEOEUR
d'esprit cruels qui saisissent et entraînent AMELITE.
Tremble, tremble, fuis nos pas :
En vain l'innocence crie,
L'enfer ne l'écoute pas.
Il la poursuit pendant la vie
Il la venge après le trépas.
FIN
DU PREMIER ACTE.

|
ACTE
SECOND
Le
Théâtre représente le Palais d'Oromasès, Roi des Génies.
Scène
Première.
ZOROASTRE
seul.
Mes tristes regards dans ce riant empire,
Des jeux toujours nouveaux font briller leurs attraits.
Hélas ! Rien ne saurait adoucir mes regrets.
Mon coeur se trouble et je soupire
Dans le sein même de la paix.
Aimable
& digne objet de l'amour le plus tendre,
Sans toi, je ne vis plus, mon âme est avec toi.
De
mille ennuis mortels, qui s'emparent de moi,
Le plaisir, qui me suit, veut en vain me défendre :
Eh ! puis-je l'écouter, m'y livrer, ni l'attendre
Que dans les lieux où je te vois.
Aimable
& digne objet de l'amour le plus tendre,
Sans toi, je ne vis plus, mon âme est avec toi.

Scène
II.
OROMASES,
ZOROASTRE.
OROMASES.
Dans cet asile favorable
Tu n'as vu que des jours sereins ;
Mais la terre gémit, un monstre impitoyable,
Sous un sceptre de fer, fait trembler les humains.
Au coup le plus cruel que ton coeur se prépare.
ZOROASTRE.
Je frémis... Amélite ?...
OROMASES.
Il faut briser ses fers.
ZOROASTRE.
Ses fers !... Elle serait au pouvoir d'un barbare ?
Et l'espace immense des airs
D'un objet si cher me sépare !
OROMASES.
Du charme des plaisirs, & du poids des revers,
J'ai vu triompher ta constance.
Du ciel, qui l'éprouvait, va prendre la défense,
Zoroastre, il est temps d'affranchir l'univers.
ZOROASTRE.
Mais ses jours ?...Pardonnez à ma tendresse extrême.
Hélas !
Mille fois sans effroi
J'ai vu le danger, la mort même.
Je n'ai jamais rien craint pour moi,
Et je crains tout pour ce que j'aime.
OROMASES.
L'arbitre souverain de la terre & des cieux
Veut faire briller à tes yeux
Un rayon éclatant de sa gloire immortelle.
Si rien ne peut lasser ton courage & ton zèle,
Vois quel doit être un jour ton destin glorieux.
Esprits
du feu, de l'air, de la terre, & de l'onde.
Volez, volez, accourez tous.

Scène
III
ESPRITS
DES DIVERS ELEMENTS, & LES ACTEURS PRECEDENTS.
OROMASES.
Aux accents de ma voix cieux, Ô cieux ouvrez-vous,
Entends nos voeux maître du monde.
Que du sort et des temps l'obscurité profonde,
S'anéantisse devant nous.
(Les
Esprits des Eléments font leurs conjurations autour de Zoroastre.)
ZOROASTRE.
Où suis-je !... Un nouveau jour m'éclaire.
Quels parfums enchanteurs !... Quels sons mélodieux !
Des secrets éternels je perce le mystère.
Mon âme vole dans les cieux.
(Il
tombe sur un nuage dont il paraît presque enveloppé. Et les
Esprits des Eléments forment un enchantement autour de Zoroastre.)
OROMASES,
LE CHOEUR.
Zoroastre vole à la gloire ;
Triomphe, éclaire l'univers.
Sur tes pas conduis la Victoire,
Donne des chaînes aux enfers.
ZOROASTRE.
Secondez l'ardeur qui me presse,
Ouvrez-moi la route, & j'y cours.
OROMASES.
Redouble ta constance : il y va de tes jours.
Pour te perdre, il suffit d'un instant de faiblesse.
ZOROASTRE.
Puis-je craindre un tyran, que je bravai toujours ?
OROMASES.
C'est un présent du Ciel * dont
la bonté suprême
Sait si bien au danger mesurer le secours.
Le malheur à son terme, & doit avoir son cours.
Il finit dès qu'il est extrême.
(*
Il lui donne les Livres de Vie, que les anciens Persans
appelèrent dans les suites le Zend. Voy. d'Herb. B. or.
p. 931. Hyde Hist. V et. per. ep. ded. Eteh. 26. & 31.)
ZOROASTRE.
Ah ! C'est trop m'arrêter... sous le poids de ses fers,
Amélite gémit, & succombe peut-être.
OROMASES,
en embrassant ZOROASTRE.
Puissent l'ordre & la paix rendus à l'univers,
Faire aimer aux humains un père dans leur maître.
Va : pars : désire où tu veux être.
ZOROASTRE.
Tendre Amélite hélas ?...
(Tout
disparaît. Le Théâtre change. Il représente l'intérieur redoutable
du Château Fort des Rois de la Bactriane.)

Scène
IV.
AMELITE,
entourée de démons & chargée de chaînes.
ERINICE, qui survient.
CHOEUR
DE DEMONS.
En vain l'innocence crie,
L'enfer ne l'écoute pas.
Il la poursuit pendant la vie.
Il la venge après le trépas.
AMELITE.
Juste ciel, quelle barbarie !
Suivrez-vous sans cesse mes pas ?
ERINICE,
en paraissant.
Arrête. Cet instant est le seul qui te reste.
Renonce au trône, ou meurs.
AMELITE.
Je brave ton pouvoir.
Frappe. Je crains bien moins la mort la plus funeste,
Que l'horreur de te voir.
ERINICE,
en fondant sur Amélite un poignard à la main.
Ah ! C'est trop balancer. Expire.*
(*Une
porte de fer se brise.)

Scène
V
ZOROASTRE,
AMELITE, ERINICE.
ZOROASTRE.
Barbare !...
AMELITE,
ERINICE*
Zoroastre ?... Ah ! Dieux !
(*
Le poignard lui tombe des mains ; les démons disparaissent.)
AMELITE.
Cher Amant si l'Amour n'eût daigné vous conduire,
Je ne jouirais plus de la clarté des cieux.
ERINICE.
Que deviens-je ?... Mon bras à ma haine infidèle
Fait éclater mon crime, & lui laisse le jour.
Affreux moment ! Fatal retour !...
Elle vivra pour toi : tu ne vis que pour elle.
A l'excès de ma rage, à ma douleur mortelle,
Connais du moins, ingrat, l'excès de mon Amour.
ZOROASTRE,
à Amélite.
Cruelle !... Je frémis... qu'ose-t-elle m'apprendre ?...
Tous mes sens sont glacés d'horreur.
Ciel ? Quel amour !
ERINICE.
Je vois ce que j'en dois attendre,
Je lis dans vos regards ma honte, & son bonheur.
C'en est trop, & l'espoir d'une vengeance extrême
Peut seul adoucir mon malheur.
(à
Zoroastre.)
Je
confondrai dans ma fureur
Ce que je hais, & ce que j'aime.
Tremble. Pour égaler sa peine à ma douleur,
Avant de lui percer le coeur,
J'oserai t'immoler moi-même.
Je confondrai dans ma fureur
Ce que je hais, & ce que j'aime.
(Elle
sort.)

Scène
VI
ZOROASTRE,
AMELITE.
AMELITE.
Hélas ! Je bravais son courroux :
J'ai souffert les plus rudes coups
Sans pâlir, sans daigner me plaindre.
La barbare à la fin, m'a forcée à craindre,
En me faisant trembler pour vous.
ZOROASTRE.
Je vois de ses fureurs toute la violence ;
Mais vos jours sont en sûreté,
Que peut contre moi sa vengeance ?
AMELITE.
Eh ! Contre l'enfer irrité
Quelle sera votre défense ?
ZOROASTRE.
Le bras, qui vient pour vous d'enchaîner sa puissance,
Au jour, qu'elle obscurcit, rendra sa pureté.
Je vous revois, ne ne sens plus d'alarmes.
Je goûte enfin le prix de mes tendres soupirs.
L'Amour, qui vous rend à mes larmes,
Dans vos yeux répand tous ses charmes,
Et dans mon coeur tous ses plaisirs.
AMELITE.
Ah ! Je n'écoute plus que ma tendresse extrême.
Je retrouve tout ce que j'aime,
Je perds le souvenir des maux que j'ai soufferts.
ZOROASTRE.
Je cours les réparer : l'éclat du rang surpême
Effacera bientôt la honte de vos fers.
AMELITE.
Est-ce pour un empire
Que mon âme soupire ?
Vous le savez, l'amour la remplit de ses feux,
Vous voir à tous moments, vous aimer, vous le dire,
Voilà l'unique bien qui peut combler mes voeux.
ZOROASTRE.
Vous enchantez mes sens, vous ravissez mon âme...
Qu'on s'oublie aisément dans les bras de l'Amour !
Le
devoir m'appelle son tour,
Je sers en l'écoutant, & la gloire et ma flamme.
Séjour
impénétrable à la clarté des cieux.
Lieux terribles cessez d'enchaîner l'innocence.
Murs élevés par la vengeance,
Ecroulez-vous, tombez murs odieux.
(Les
murs disparaissent ; on voit une place de la Ville de Bactre,
dans laquelle sont plusieurs Troupes différentes de Peuples.)

Scène
VII
ZOROASTRE,
AMELITE, CEPHIE, PEUPLES.
ZOROASTRE,
aux Peuples.
Le ciel, qu'ont attendri mes pleurs & votre zèle,
Vous rend le seul objet digne de votre choix.
(En
leur montrant Amélite.)
Le
coup allait partir, & vous perdiez en elle
Tout l'auguste sang de vos Rois.
CEPHIE,
CHOEUR.
Eclatez transports d'allégresse
Brillez dans nos chants & nos jeux.
Célébrons le moment heureux
Qui vous rend à notre tendresse.
(Les
Peuples viennent en foule célébrer le retour de Zoroastre, &
la délivrance d'Amélite.)
CEPHIE.
Ah ! Que l'absence est un cruel tourment !
Mais qu'il est doux de revoir ce qu'on aime.
Tout s'embellit au retour d'un amant.
Tout reprend le charme suprême
Du plaisir, ou du sentiment.
Sans lui le jour le plus charmant
Est plus sombre que la nuit même.
Ah ! Que l'absence est un cruel tourment !
Mais qu'il est doux de revoir ce qu'on aime.
(Le
Ballet continue.)
AMELITE.
Non, ce n'est pas toujours pour ravager la terre,
Que les vents agitent les airs.
Le ciel, sans lancer le tonnerre
Fait souvent briller les éclairs.
Si
l'amour pour un temps éprouve un coeur sincère,
Et semble appesantir ses fers,
Qu'il soupire ; mais qu'il espère.
Le bonheur quelque fois naît du sein des revers.
Non,
ce n'est pas toujours pour ravager la terre,
Que les vents agitent les airs.
Le ciel, sans lancer le tonnerre
Fait souvent briller les éclairs.
(Le
ballet continue.)
ZOROASTRE,
aux Peuples.
Cessez de redouter des prêtres criminels.
Renoncez à des Dieux cruels,
Qui frappent quand on les implore.
Qu'une
fête éclatante, au lever de l'aurore,
De tous les tendres coeurs récompense les feux.
Que l'amour seul offre nos voeux,
Au Dieu bienfaisant que j'adore.
AMELITE,
CEPHIE, CHOEUR.
Qu'il triomphe des autres Dieux.
AMELITE.
Le jour qui va nous luire est un jour de victoire :
Qu'il nous rassemble à son retour.
Cher Zoroastre, c'est l'amour
Qui veut y couronner la gloire.
CEPHIE,
avec LE CHOEUR.
Tendres amants formez les plus beaux noeuds.
ZOROASTRE,
AMELITE.
Chantez, chantez, vos malheurs cessent :
Que les plus doux plaisirs renaissent.
CEPHIE,
CHOEUR.
Chantons, chantons nos malheurs cessent,
Que les plus doux plaisirs renaissent :
Que Zoroastre soit heureux !
FIN
DU SECOND ACTE.

|
ACTE
TROISIEME.
Le Théâtre
représente les dehors de la Ville de Bactre ;
& le rivage du fleuve qui la partage.
L'Acte commence avant la fin de la Nuit.
Scène Première.
ERINICE, ABRAMANE.
ABRAMANE.
Arrêtez. Modérez cette fureur extrême.
Le moindre éclat peur écarter
L'ennemi qui s'offre lui-même
Aux coups que je dois lui porter.
Laissez agir ma haine, & quittez ce rivage.
ERINICE.
C'est ici qu'ils doivent s'unir ?
ABRAMANE.
Je l'attends dans le piège où son amour l'engage.
Son tombeau se prépare, & mon art va l'ouvrir.
ERINICE.
Ah ! C'est à moi de le punir...
Il croit donc consommer son crime & mon outrage ?
ABRAMANE.
Le peuple en sa faveur paraît se réunir :
Je vais dissiper cet orage ;
Mais vous pouviez le prévenir.
ERINICE.
O trop funeste souvenir !
Ma rivale triomphe : elle échappe à ma rage.
ABRAMANE.
O Dieux ! Qu'importe à nos desseins
Ou la vie, ou la mort d'une faible rivale ?
C'est en frappant l'objet d'une flamme fatale
Qu'il fallait d'un seul coup assurer nos destins.
ERINICE.
L'ingrat !... En le voyant paraître
Le poignard m'est tombé des mains.
ABRAMANE.
Eh ! Si vous le voyez, malgré tous ses dédains,
L'Amour sera-t-il moins le maître ?
ERINICE.
Non, tout sert à rallumer
Le dépit qui me dévore ;
L'amour ne peut plus le calmer.
Dieux !
Une autre a su le charmer !
Il me fuit le cruel, il me hait ; je l'abhorre.
Contre lui que ne puis-je armer,
Tout ce qui voit le jour du couchant à l'aurore.
Non, tout
sert à rallumer
Le dépit qui me dévore ;
L'amour ne peut plus le calmer.
ABRAMANE.
Un coeur fier, qui brise sa chaîne,
Reprend un calme heureux avec sa liberté.
Votre âme est déchirée, un vain dépit l'entraîne.
Puis-je prendre pour de la haine
Les cris de l'amour irrité ?
Il faut aider
votre faiblesse
Pour perdre ces instants, ils sont trop précieux.
Ici que votre pouvoir cesse,
Et qu'un épais nuage vous cache à tous les yeux.
(Un
nuage épais l'environne.)
ERINICE, en
disparaissant.
Ah ! le Perfide !

Scène II
ABRAMANE seul.
Osons achever de grands crimes :
J'en attends un prix glorieux.
Leur nom change s'ils sont heureux :
Tous les succès sont légitimes.
Superbe ennemi
de mes Dieux,
La mort t'environne en ces lieux,
Sous tes pas la vengeance a creusé mille abîmes.
Et toi que j'adorais... vous peuples odieux,
Vous bravez mon pouvoir, soyez-en les victimes.
Osons achever
de grands crimes :
J'en attends un prix glorieux.
Leur nom change s'ils sont heureux :
Tous les succès sont légitimes.
Le jour va
rassembler ces peuples inconstants.
Attendons dans ces bois le moment de paraître.
Il faut par des coups éclatants
Affermir un pouvoir qu'on ose méconnaître.
(Il
sort.
Les premiers rayons du jour paraissent.)

Scène III.
ZOROASTRE,
& SA SUITE.
ZOROASTRE.
Sommeil fuis de ce séjour.
Pour la fête la plus belle,
La voix de l'Amour nous appelle ;
Volons à la voix de l'Amour.

Scène IV.
AMELITE, &
SA SUITE
ZOROASTRE, & SA SUITE.
AMELITE.
L'Aurore vermeille
Presse son retour.
Les tendres oiseaux qu'elle éveille,
Par leurs chants annoncent le jour.
AMELITE, ZOROASTRE.
Sommeil fuis
de ce séjour.
Pour la fête la plus belle,
La voix de l'Amour nous appelle ;
Volons à la voix de l'Amour.
ZOROASTRE.
De notre flamme mutuelle
L'hymen va pour jamais assurer le bonheur.
L'Amour, qui l'alluma pour la rendre éternelle
Offre un nouveau charme à mon coeur
Dans le devoir de vous être fidèle.
AMELITE.
Les plus beaux noeuds se préparent pour nous,
L'Amour doit les former, le bonheur va les suivre.
Ah !
que mon destin sera doux !
J'aurais voulu mourir pour vous,
Et c'est pour vous que je vais vivre.

Scène V.
PEUPLES BACTRIENS,
qui surviennent
Et les Acteurs précédents.
CHOEUR, auquel
se joignent
ZOROASTRE & AMELITE.
Sommeil fuis de ce séjour.
Pour la fête la plus belle,
La voix de l'Amour nous appelle ;
Volons à la voix de l'Amour.
(Les
jeunes Habitantes des rivages divers du fleuve de Bactre, dont
l'hymen doit embellir cette fête, arrivent, le Soleil se lève
sur la fin de cette entrée.)
ZOROASTRE.
Mille rayons brillants embellissent les airs.
Faisons éclater nos concerts.
ZOROASTRE.
(Hymne
au Soleil.)
O lumière
vive & pure ;
Les fleurs, les fruits, la verdure
Semblent renaître à ton retour.
Les couleurs
brillent, l'air s'épure,
La terre reprend sa parure ;
Tu lui donnes l'éclat du céleste séjour.
CHOEUR.
O lumière vive & pure ;
Les fleurs, les fruits, la verdure
Semblent renaître à ton retour.
ZOROASTRE,
AMELITE.
Tout se ranime aux premiers feux du jour,
L'oiseau chante, l'onde murmure.
Ce sont les doux concerts que t'offre la nature,
Et les accents de son amour.
CHOEUR, auquel
se joint ZOROASTRE.
O lumière vive & pure ;
Les fleurs, les fruits, la verdure
Semblent renaître à ton retour.
Les couleurs
brillent, l'air s'épure,
La terre reprend sa parure ;
Tu lui donnes l'éclat du céleste séjour.
(Les
jeunes filles qui doivent être unies à l'objet de leur tendresse
vont adorer l'astre du jour ; & les peuples célèbrent par
leurs danses le retour de la lumière.)
ZOROASTRE.
Accourez jeunesse brillante,
Laissez éclater vos désirs.
Aimez d'une
flamme constante,
L'hymen va remplir votre attente,
Par une chaîne de plaisirs.
Accourez jeunesse
brillante,
Laissez éclater vos désirs.

Scène VI.
JEUNES HABITANTS
DES MONTAGNES,
& les Acteurs précédents.
Entrée
des jeunes habitants des montagnes & ballet, avec les jeunes
filles que l'hymen leur destine.
AMELITE.
Sur nos coeurs épuise tes armes,
Amour vole & lance tes traits.
Tu nous offres
le prix de nos tendres alarmes,
Et l'hymen paré de tes charmes,
Va nous dispenser tes bienfaits.
Sur nos coeurs
épuise tes armes,
Amour vole & lance tes traits.
(Les
jeunes habitants des montagnes continuent leurs danses.)
ZOROASTRE.
Hâtons notre bonheur, venez tendres amants.
(Tous
les jeunes amants qui doivent être unis, forment un demi-cercle
autour de Zoroastre & d'Amélite.)
ZOROASTRE
continue.
Dieu bienfaisant, Etre suprême,
Tes lois pour notre coeur sont des liens charmants,
Tu veux qu'il t'adore, & qu'il aime.
Daigne écouter nos voeux, & reçois nos serments.
(Il
présente la main à Amélite. Tous les autres se la présentent
en même temps & se la donnent.)
ZOROASTRE,
AMELITE.
Je vous jure...
(Un
coup de tonnerre éclate, l'obscurité s'empare de toutes les
parties de l'horizon.)
AMELITE.
Quels feux ! Quel éclat de tonnerre !
CHOEUR.
Ciel ! Ô ciel !
ZOROASTRE.
Le jour fuit.
AMELITE.
Je sens trembler la terre.
ZOROASTRE.
Une vapeur mortelle empoisonne les airs...
Sous nos pas, tout à coup, que d'abîmes ouverts.
CHOEUR.
Ciel ! Ô ciel !
AMELITE.
Tout mon sang se glace...
(à
Zoroastre.)
Il va périr...
hélas ! tout s'arme contre toi...
Ah ! si ton courroux nous menace,
Juste ciel, ne frappe que moi.
ZOROASTRE.
Il protège toujours & ne veut jamais nuire.
L'Amour est dans nos coeurs, le ciel sera pour nous.
Il m'éclaire...
rassurez-vous,
Ce n'est qu'un charme affreux, & je vais le détruire.
(Un
amas d'épais nuages paraît rapidement dans les airs, il
s'ouvre au bruit du tonnerre ; on voit ABRAMANE sur un
char enflammé.)

Scène VII.
ABARAMANE,
dans les airs,
& les Acteurs précédents.
ABRAMANE.
Dieux armez-vous, armez mon bras.
Coulez torrents de feu pour venger leur outrage.
Fiers aquilons dans ces climats
Portez la terreur, le ravage,
Et faites voler le trépas.
(Il
disparaît.)
ZOROASTRE.
Ah ? Cruel !
AMELITE, qui
tombe sur un tronc d'arbre.
Je me meurs...
CHOEUR de
Peuples qui fuient.
Dieux ! fuyons tous, fuyons.

Scène VIII.
ZOROASTRE,
AMELITE,
PEUPLES qu'on entend & qu'on ne voit pas.
ZOROASTRE
en courant aux pieds d'Amélite.
Amélite... elle expire... ô ciel !...
CHOEUR dans
l'éloignement.
Nous périssons.
ZOROASTRE
aux Peuples.
Ah ! je cours vous défendre.
Ouvrez ces
yeux mourants aux cris de ma douleur.
Ils sont de l'amant le plus tendre,
L'espoir, la force & le bonheur.
En tremblant pour vos jours que pourrais-je entreprendre ?
Le courage fuit de mon coeur :
Vos yeux, ces yeux si beaux peuvent seuls me le rendre.
AMELITE.
Où suis-je !... quel pouvoir, quels accents amoureux
Arrêtent mon âme expirante ?...
Ah ! c'est vous que l'amour offre encore à mes voeux !
Je vous revois... Je meurs contente.
ZOROASTRE.
Troupe légère & bienfaisante,
Venez esprits de paix, accourez en ces lieux.
(Les
Esprits bienfaisants paraissent & environnent Amélite.)
CHOEUR dans
l'éloignement.
Nous périssons.
ZOROASTRE
à Amélite.
Un tyran furieux.
Fait voler sur leurs pas la mort & l'épouvante,
Il faut ou les sauver, ou périr avec eux.
Tendre Amélite, cher amante,
Adieu. Prenez soin de ses jours,
Daignez la garantir des périls où je cours.
(Il
part : les Esprits bienfaisants environnent Amélite &
l'emmènent. Dans le même moment des colonnes de feu se détachent
du ciel, fondent sur la ville de Bactre & l'embrasent.)
FIN DU
TROISIEME ACTE.

|
ACTE
QUATRIEME.
Le
Théâtre représente le Temple souterrain & secret d'ARIMAN.
On voit dans le fond un autel d'ébène teint de sang.
Scène Première.
ABARAMANE
seul.
Cruels tyrans, qui régnez dans mon coeur,
Impitoyable haine, implacable vengeance,
Des remords dévorants épargnez-moi l'horreur,
Ou cédez à leur violence.
Dans
le fonds de mon âme, une importune ardeur
S'irrite par ma résistance.
Pour me reprocher ma fureur,
Le crime unit sa voix aux cris de l'innocence :
De l'abîme où je cours, je vois la profondeur...
Tout m'alarme & me nuit ; tout jusqu'à ma puissance,
Répand autour de moi le trouble et la terreur.
Cruels tyrans,
qui régnez dans mon coeur,
Impitoyable haine, implacable vengeance,
Des remords dévorants épargnez-moi l'horreur,
Ou cédez à leur violence.

Scène II.
ZOPIRE, ABRAMANE.
ZOPIRE.
Votre ennemi triomphe & les moments sont chers.
Echappé des périls extrêmes
Qu'à son courage opposaient les enfers;
Nos soldats animés par vos ordres suprêmes,
Courraient pour l'accabler de fers.
Sa voix éclate dans les airs :
Ils tournèrent aussitôt leurs armes contre eus-mêmes.
ABRAMANE.
Dieux d'Abramane, Dieux vengeurs
Quel pouvoir suspend vos fureurs ?

Scène III.
NARBANOR,
& les Acteurs précédents.
NARBANOR en
désespoir.
Du jour le plus serein la clarté vive et pure
A dissipé l'horreur de vos enchantements.
Les vents son enchaînés, les fleurs & la verdure
Dans nos champs désolés ramènent le printemps.

Scène IV.
ERINICE, &
les Acteurs précédents.
ERINICE.
C'en est donc fait, perfide. Il n'est plus d'espérance.
Je me vois pour jamais
Unie à tes forfaits,
Et je perds sans retour ma gloire & ma vengeance.
ABRAMANE.
Un revers d'un instant doit-il vous ébranler ?
Vous savez quelle est ma puissance.
Est-ce à vous de trembler ?
Rappelez votre courage.
Un honteux désespoir
Ne doit être le partage
Que des malheureux sans pouvoir.
ERINICE.
Ah ! que puis-je espérer encore ?
Amélite respire, & ton rival l'adore.
Que leur vue à mon coeur a coûté de tourments !
Qu'ils étaient amoureux, & qu'il étaient contents !
Qu'ils goûtaient de douceurs à resserrer leurs chaînes !
ABRAMANE.
Arrêtez... Eh pourquoi retracer, inhumaine,
Le souvenir cruel de ces affreux instants ?
ERINICE, ABRAMANE.
O Dieux ! Quelle douleur mortelle !
L'amour & le bonheur éclataient dans leurs yeux.
ABRAMANE.
Que Zoroastre était heureux !
Qu'Amélite était belle !
ERINICE.
Je vois avec horreur la lumière du jour.
Ah ! Quel supplice ! Quelle peine !
De sentir déchirer un coeur, fait pour l'Amour,
Par toutes les fureurs d'une impuissante haine !
ABRAMANE.
La haine, qui fait agir,
Est toujours assez puissante.
Les trésors de mon art à vos yeux vont s'ouvrir,
Le danger s'affaiblit, quand le courage augmente.
La haine qui fait agir,
Est toujours assez puissante.

Scène V
ABRAMANE,
ERINICE, ZOPIRE, NARBANOR, PRETRES.
ABRAMANE.
Qu'une double porte d'airain
Rende à nos ennemis ce temple impénétrable.
Erinice, osez voir avec votre front serein
Les mystères secrets d'un culte redoutable.
(ERINICE
se place : la cérémonie commence.)
ABRAMANE entouré
des Prêtres.
Suprême auteur des maux & des tristes revers
Qui désolent la terre & l'onde,
O ! toi, que sous des noms divers,
J'ai fait connaître à l'Univers
Pour le maître absolu du monde.
On attaque ta gloire. Arme ton bras vengeur.
Fais briller dans les airs les flammes du tonnerre.
Eclate ; venge-toi, ce n'est qu'à la terreur
Que tu dois l'encens de la terre.
NARBANOR,
ZOPIRE, LES CHOEURS.
On attaque ta gloire. Arme ton bras vengeur.
Fais briller dans les airs les flammes du tonnerre.
Eclate ; venge-toi, ce n'est qu'à la terreur
Que tu dois l'encens de la terre.
ABRAMANE en
prenant la Hache sacrée.
Epuisons le flanc
Des tristes victimes.
Redoutable Ariman,
Nourris tes fureurs légitimes
Dans des flots de sang.
(Abramane
précédé & suivi des Prêtres, va à l'Autel, & il immole
les victimes. Pendant ce temps on forme sur le devant du Théâtre
les danses que les Peuples anciens appelaient danses d'expiation.*)
(*
Les anciens n'avaient point d'actes de religion sans danses.)
ABRAMANE en
quittant l'autel.
Princesse, tout m'annonce un secours invincible,
Et je ne vis jamais d'augures plus heureux,
Réunissons nos voix, & qu'un charme terrible
Assure encore le succès de nos voeux.
ABRAMANE,
ERINICE.
Ministres, redoutés du plus puissant empire,
Des mortels, & des dieux, de vous-même ennemis ;
Vous esprits, que l'ardeur de nuire
Peut seule forcer d'être unis.
Volez, volez,
troupe cruelle;
Donnez un libre essor à toutes vos fureurs.
L'amour outragé vous appelle :
Accourez à ses cris implacables vengeurs.
(Les
Esprits malfaisants sortent en foule de toutes les parties du
théâtre. La Haine paraît dans le fond avec les Furies, le Désespoir,
&c. Cette troupe s'ouvre & la Vengeance arrive armée
d'une massue hérissée de pointes de fer.)

Scène VI.
LA VENGEANCE,
LA HAINE, LE DESESPOIR, LES FURIES &c.
Les Acteurs précédents.
CHOEUR.
A ta voix nous quittons sans peine
L'éternelle nuit.
La Haine
Nous mène,
La Vengeance nous suit.
LA VENGEANCE.
Les biens que notre main dispense
Ont plus de douceurs qu'on ne pense.
Nous offrons pour secours, dans leurs maux rigoureux,
Aux coeurs outragés la vengeance,
Et le trépas aux malheureux.
BALLET.
(La
Haine donne à la Vengeance une poignée de serpents ;
Le Désespoir lui donne un poignard ensanglanté.)
LA VENGEANCE
à Erinice.
Vengez-vous, cessez de souffrir.
Plus une injure est éclatante,
Plus il est doux de la punir.
*La
Haine se plait à jouir
D'une vengeance lente ;
Mais quand le moment se présente,
On ne peut trop tôt le saisir.
Vengez-vous,
cessez de souffrir.
Plus une injure est éclatante,
Plus il est doux de la punir.**
(*
En lui montrant les serpents.
** Elle lui donne le poignard que le Désespoir lui a remis.)
ERINICE en
saisissant le poignard.
Ah ! Je crois voir déjà ma Rivale sanglante
Chanceler, tomber & mourir.
(à
Abramane.)
Portons les
coups les plus terribles.
Immolons deux ingrats, frappons-les tour à tour.
La haine dans les coeurs sensibles
Est extrême comme l'amour.
LA
VENGEANCE à Abramane, en lui donnant sa massue.
Va, cours : j'arme tes mains, n'écoute que la rage.
Par les plus funestes éclats
Signale ton courage.
Que la fureur guide ton bras,
Que la flamme, que le ravage
Précède, & suive ton passage.
Brave le plus affreux trépas,
Fais voler partout le carnage.
Des
coeurs qui ne se vengent pas
L'opprobre est toujours le partage.
L'honneur parle : combats.
Meurs, s'il le faut, mais venge ton outrage.
ABRAMANE,
à la Vengeance.
Que la vengeance a de douceurs !
Un plaisir inconnu passe avec tes fureurs,
Jusques dans le fond de mon âme.
L'Amour a moins d'attraits que l'ardeur qui m'enflamme.
Que la vengeance a de douceurs !
LA
VENGEANCE.
Que de votre ennemi le supplice commence.*
Qu'il se sente frappé par d'invisibles coups.
Volez,
secondez ma puissance.
Esprits cruels, Esprits jaloux,
Faites triompher la vengeance.
(Elle
se place au pied de l'Autel.)
BALLET.
(Les
Esprits infernaux conduits par la Haine & le Désespoir accourent
à la voix de la Vengeance, armés de serpents, de poignards,
de javelots, de haches, &c. Le Désespoir se saisit de deux
flambeaux éteints qui s'allument au feu qui l'embrase. Il les
secoue sur la Haine & sur les Démons. Leur fureur augmente ;
la Haine lui ravit un de ces flambeaux & ils courent ensemble
à l'autel, avec leurs suites. Ils font contre la statue de Zoroastre
les plus redoutables conjurations. Ils approchent, lèvent le
bras... prêts à la frapper ; un tourbillon de flammes sort
de l'autel, & la statue disparaît.)
LA VENGEANCE,
encore au pied de l'autel.
La flamme le consume !
ABRAMANE.
Ah ! quel espoir plus doux.
ABRAMANE,
ERINICE, LES FURIES, ZOPIRE.
NARBANOR. CHOEUR.
Quel bonheur ! L'enfer nous seconde.
Que les feux embrasent les airs.
Qu'ils dévorent la terre & l'onde.
Que tout se confonde.
Les plus grands maux sont nos biens les plus chers.
(Les
Esprits infernaux forment un Ballet de joie vive, qui est interrompu
par une symphonie effrayante.)
LA VENGEANCE.
Ah ! Nos fureurs ne sont point vaines.
De l'empire des morts, les voûtes souterraines,
Paraissent s'écrouler à ces terribles sons...
Ils redoublent... l'enfer va parler. Ecoutons.

Scène VII.
UNE
VOIX SOUTERRAINE, & les Acteurs précédents.
LA
VOIX SOUTERRAINE.
Cours aux armes. Offre aux enfers.
Des forfaits dignes de leur rage.
Fais trembler la vertu, fait pâlir le courage.
Un revers éclatant va changer l'univers.

Scène
VIII.
ABRAMANE,
ERINICE,
& les Acteurs précédents.
ERINICE,
LA VENGEANCE, ABRAMANE, ZOPIRE, NARBANOR,
LES FURIES, PRETRES, DEMONS.
Courrez, courez/courrons courrons aux armes.
La victoire est à vous/nous rien ne peut vous/nous troubler.
LA
VENGEANCE avec le CHOEUR.
Pour vous quelle gloire !
Tout va trembler.
Le
sang va couler,
On va s'immoler,
Triomphe victoire.
Le
bruit, le ravage,
La mort, le carnage,
Sont nos plaisirs.
La
fureur, la rage,
Ne sont que l'image
De nos désirs.
Pour
vous quelle gloire !
Tout va trembler.
Le
sang va couler,
On va s'immoler,
Triomphe victoire.
FIN
DU QUATRIEME ACTE.

|
ACTE
CINQUIEME.
Le
Théâtre représente le Champ antique de ZERDOUTS*, où se faisait
l'inauguration des Rois de la Bactriane.
Il est entouré de rochers, coupé de prairies, & borné dans
le fond par la chaîne de Montagnes qui sépare cette partie de
l'Asie de l'Indostan.
(*
L'Ami du Feu, les plus anciens Persans nommaient ainsi
Abraham. Ce même nom fut donné dans les suites à Zoroastre,
que l'amour de tout l'Orient confondit avec le premier.)
Scène
première.
ERINICE
seule.
Quel tourment !... où trouver la trace de ses pas ?
Un barbare aurait-il assouvi sa furie ?
Je frémis... Zoroastre hélas !...
Malheureuse !... est-ce à moi de trembler pour sa vie ?
Amour,
cruel Amour, ton funeste bandeau
Cache à nos yeux l'abîme, où ta main nous entraîne.
Elle a déjà formé tous les noeuds de ta chaîne,
Quand tu fais briller ton flambeau.
Mon
coeur s'irrite en vain, son penchant le ramène.
C'est un combat toujours nouveau,
Et je vois tour à tour, & l'amour & la haine
S'armer pour mon supplice, & creuser mon tombeau.
Amour,
cruel Amour, ton funeste bandeau
Cache à nos yeux l'abîme, où ta main nous entraîne.
Elle a déjà formé tous les noeuds de ta chaîne,
Quand tu fais briller ton flambeau.
Il
approche... Enfin je respire.

Scène
II.
ZOROASTRE,
ERINICE.
ZOROASTRE
en se détournant.
C'est Erinice. O ciel !...
ERINICE.
Respecte mes douleurs,
Et cache-moi du moins l'horreur que je t'inspire.
Ne redoute plus mes fureurs ;
On menace tes jours, tout mon courroux expire.
ZOROASTRE.
Qu'un perfide conspire & s'arme contre moi,
A trembler, croit-il me contraindre ?
La mort ne m'a jamais inspiré de l'effroi.
C'est la mériter que la craindre.
ERINICE.
Ah ! Crains nos prêtres furieux ;
Leur cruauté, leurs cris, leurs complots odieux
A mon coeur éperdu se retracent sans cesse...
Eloigne-toi, fuis, le temps presse ;
Abramane a pour lui l'Enfer & les Dieux.
ZOROASTRE.
Je brave les Dieux d'un barbare :
Je hais leurs Prêtres criminels,
Et c'est sur le débris de leurs sanglants autels
Que mon triomphe se prépare.
ERINICE.
Hélas ! Ta confiance augmente ma terreur.
Connais d'un art fatal le pouvoir redoutable.
Dans un enchantement terrible, épouvantable,
Moi-même, qui t'adore... (En frémissant d'horreur...)
J'éprouvais les transports d'une troupe coupable.
La rage, la fureur
De l'enfer implacable
On passé malgré moi, jusqu'au fond de mon coeur.
ZOROASTRE.
O ! mystères affreux d'un culte détestable !
Cruelle !... Eh! vous ne craignez pas ?
ERINICE
Ah ! je ne crains que ton trépas;
Tu
vois le désespoir où mon âme se livre,
Sois touché de mes pleurs, fuis cet affreux séjour.
Mes malheurs, tes mépris, ma mort qui va les suivre,
Je te pardonne tout, ingrat, si tu veux vivre,
Et c'est l'unique prix qu'exige mon amour.
(On
entend une Symphonie éclatante.)
Qu'entens-je ?
O dieux !
ZOROASTRE.
C'est un peuple fidèle
Qui fait pour Amélite éclater ses transports.
Jugez quels sont nos voeux contre vous & pour elle,
Par ses vertus & vos remords.
ERINICE.
Mes remords !.. Ce reproche étouffe leur murmure...
Notre sort est de nous haïr.
Il manquait à mon coeur cette nouvelle injure
Pour le forcer à m'obéir.
(Elle
sort.)

Scène
III.
ZOROASTRE
seul.
Elle court d'abîme en abîme,
En cherchant la paix qui la fuit?
Tel est le juste sort du crime,
Le trouble l'environne, & l'opprobre le suit.
Le
Peuple dans ces lieux par un antique usage,
Aux Rois, qu'il s'est choisi, doit rendre son hommage.
Il y guide Amélite & vient s'y rassembler...
CHOEUR
des peuple qu'on ne voit point.
Dieux, ô Dieux ! quel coup terrible !
ZOROASTRE.
Ciel ! quel nouveau malheur vient encor me troubler !

Scène
IV.
CEPHIE,
PEUPLES, ZOROASTRE.
CEPHIE ;
le Choeur en paraissant.
Jour funeste ! Sort inflexible !
ZOROASTRE.
Céphie... Eh ! quel est donc le sujet de vos pleurs ?
CEPHIE.
Au milieu de son peuple, & charmant tous les coeurs,
Amélite en ces lieux au trône était conduite
Par des chemins semés de fleurs.
Tout
à coup, l'air s'agite,
Un tourbillons de feux
Entre elle et nous se précipite,
Et plus prompte qu'un éclair, la ravit à nos voeux.
ZOROASTRE.
Que deviens-je !... Amélite ?... O disgrâce cruelle !...
Que me sert désormais un immense pouvoir ?
Qu'ai-je à faire du jour sans elle ?...
O ciel ! Quel honteux désespoir !
CHOEUR
de Prêtres armés qui paraissent en foule au fond du Théâtre.
Que la fière Erinice
Triomphe & règne en ces lieux.
CHOEUR
de Peuples.
Quels sons ! Quel cris tumultueux !

Scène
V.
ERINICE
entourée de ZOPIRE, de NARBANOR,
des PRETRES D'ARIMAN, armés de cuirasse, de casques, de massues,
&c.
ABRAMANE sur un Nuage enflammé, & les Acteurs précédents.
ERINICE,
ABRAMANE.
Que tout cède ; que tout fléchisse.
ABRAMANE.
Adorez en tremblant, le choix qu'ont fait les Dieux.
ZOROASTRE.
Traitre, c'est trop longtemps suspendre ton supplice.
ABRAMANE.
Arrête. Je connais ton pouvoir odieux.
Si par un geste, un mot, ta crainte ou ta vengeance
Ose implorer l'aide des Cieux,*
Amélite est en ma puissance.
Tremble. Je l'immole à tes yeux.
(*Il
lève sa massue, une partie du nuage s'ouvre, on voit à ses pieds
Amélite chargée de chaînes.)
ZOROASTRE.
Quel horrible moment pour le coeur le plus tendre !
Je sens que je succombe à ces affreux revers...
Non, non le Ciel est juste, il saura la défendre,
Et je saurai du moins mourir si je la perds.
(Il
lève ses mains vers le Ciel.)
Tombez
monstres, tombez dans le fond des enfers.
(La
foudre éclate, tombe sur Abramane, Erinice & les Prêtres :
les entrailles de la terre s'ouvrent & ils sont tous engloutis.
Dans le même temps le théâtre change, on voit un édifice éclatant
rempli d'une foule des divers Esprits des Eléments. C'est le
premier temple élevé à la lumière ; il est d'ordre composite :
ses voûtes sont à jour, elles laissent voir dans les airs les
divers symboles, des biens, des arts & des vertus que Zoroastre
va répandre sur la terre. Oromasès Roi des Génies paraît sur
des nuages légers et brillants, l'on revoir Amélite entourée
des Esprits Elémentaires qui la délivrent de ses chaînes, &c.)

Scène
VI.
OROMASES,
ESPRITS ELEMENTAIRES,
ZOROASTRE, AMELITE, PEUPLES.
OROMASES
dans les airs.
Par un dernier revers digne de ton courage,
Le ciel voulait encor éprouver ta vertu.
Zoroastre, * en veillant sur son plus bel ouvrage,
Je gardais le prix qui t'est dû.
(*En
lui montrant Amélite, que les Esprits bienfaisants conduisent
à Zoroastre.)
Régnez
dans ces climats où la paix va renaître.
Ces peuples vous sont chers, répondez à leurs voeux
L'amour des sujet & du maître
Fait les Rois, qui seuls devraient l'être,
Les empires puissants & les règnes heureux.
(Aux
Esprits.)
Unissez
ces Amants des plus aimables noeuds.
(Oromasès
disparaît.)

Scène
VII.
ZOROASTRE,
AMELITE, &c.
BALLET.
(Les
Esprits bienfaisants couronnent Amélite & Zoroastre. Il
les unissent avec des noeuds de fleurs.)
ZOROASTRE.
Que ces noeuds sont charmants !
AMELITE.
Qu'ils flattent ma tendresse !
ZOROASTRE.
Que je vous aime !
AMELITE.
Doux retour !
ENSEMBLE.
Toute mon âme est à l'amour.
Il l'enchaîne à jamais ; qu'il l'enflamme sans cesse !
ZOROASTRE.
Venez Peuples, venez : que dans cet heureux jour
L'orgueil du trône disparaisse.
AMELITE.
Autour de nous que tout chante et tout s'empresse.
Bergers, mêlez vos jeux aux fêtes de la cour.
ZOROASTRE.
Que ces noeuds sont charmants !
AMELITE.
Qu'ils flattent ma tendresse !
ZOROASTRE.
Que je vous aime !
AMELITE.
Doux retour !
ENSEMBLE.
Toute mon âme est à l'amour.
Il l'enchaîne à jamais ; qu'il l'enflamme sans cesse !

Scène
VIII ET DERNIERE.
BERGERS,
BERGERES, PATRES, PASTOURELLES*
PEUPLES, &c. qui viennent en dansant se mêler à la fête,
& les Acteurs Précédents.
AMELITE.
L'Amour vole au son des hautbois.
Il vient sur le gazon chanter vos chansonnettes.
C'est aux doux accents de sa voix
Que vous accordez vos musettes.
Tendres
bergers un premier choix
Remplit tous les voeux que vous faites.
Nos coeurs suivront les mêmes lois ;
Vous nous verrez heureux comme vous l'êtes.
L'Amour
vole au son des hautbois.
Il vient sur le gazon chanter vos chansonnettes.
C'est aux doux accents de sa voix
Que vous accordez vos musettes.
BALLET.
(Les
Esprits bienfaisants, les Peuples, les Bergers, &c. font
éclater leur joie & leur amour, en se réunissant tous pour
aimer & servir Zoroastre & Amélite. Cette union vive
termine la fête & l'opéra.
FIN.

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