PROLOGUE
Le
Théâtre représente le Palais d’Oromasès, Roi des Génies. Oromasès
est sur un trône formé des quatre Éléments. Tous les Génies
sont répandus dans le Palais en différentes attitudes, &
plongés dans un profond assoupissement.
L’Ouverture
peint le débrouillement du Chaos, et le choc des Éléments lorsqu’ils
sont séparés.
SCÈNE PREMIÈRE.
OROMASÈS, GÉNIES
ÉLÉMENTAIRES DES EMPIRES, etc.
OROMASÈS.
Éveillez-vous troupe immortelle.
Le Destin parle en cet instant ;
Le monde que sa voix appelle
Sort des abîmes du néant.
Les Cieux, les airs, la terre & l’onde
Vont se mouvoir par vos commandements.
Conservez l’harmonie entre leurs mouvements,
Fixez l’ordre &
les temps, soyez l’âme du monde.
CHŒUR DES GÉNIES.
Éveillons-nous, quittons pour jamais le repos.
OROMASÈS.
Les Éléments soumis sont en votre puissance.
OROMASÈS & LE
CHŒUR.
Volez, votre empire commence,/Volons, notre empire commence,
Où finit celui du chaos.

SCÈNE II.
OROMASÈS, GÉNIES
DES EMPIRES, &c., SYLPHES ET SYLPHIDES.
Le
fond du Théâtre représente un Horizon, tel qu’il est formé par
l’Aurore.
CHŒUR DE SYLPHIDES.
La naissante Aurore
Embellit les airs.
Le ciel se colore,
L’éclat qui le dore
Pare l’Univers.
(On
voit un tourbillon de flammes, qui s’élance rapidement dans
le fond, & qui redouble la clarté des Cieux.)
CHŒUR.
Quelle lumière vient d’éclore !…
Quel rapide globe de feux !
OROMASÈS alternativement
avec le CHŒUR.
Astre éclatant répands la clarté la plus pure :
Commence ton cours glorieux.
Éclaire l’Univers,
anime la nature,
Soleil, sois le chef-d’œuvre & le rival des Dieux.
(On
découvre dans l’éloignement des torrents impétueux qui se précipitent,
ils se réunissent dans la plaine & forment une mer, dont
les flots viennent se briser contre un rivage couvert de fleurs
et d’arbres naissants.)
OROMASÈS.
Les torrents s’ouvrent sur un passage,
L’Onde se réunit…. les flots impétueux
Sont enchaînés par leur rivage.
(On
entend le chant des Oiseaux.)
UNE SYLPHIDE.
Chantez oiseaux, chantez, votre aimable ramage
Exprime le plaisir, & l’inspire à nos cœurs.
Volez zéphyrs, volez sur ces naissantes fleurs,
Leur empire est votre partage.
LES CHŒURS.
Terre, séjour délicieux,
Ta beauté nouvelle est l’image
Des Cieux.
(Le
Chœur est interrompu par une symphonie brillante.)
OROMASÈS.
Ciel ! Quels concerts se font entendre ?…
CHŒUR DES SYLPHIDES.
Un feu nouveau ranime notre cœur.

SCÈNE III.
L’AMOUR, suivi des
PLAISIRS & DES JEUX,
OROMASÈS & les GÉNIES de sa suite.
L’AMOUR.
Connaissez le Dieu du bonheur :
Sur vos jours je viens le répandre.
Je ne régnais que
sur les Dieux :
Vous vivez, éprouvez la douceur de mes feux.
Ma puissance s’étend
sur tout ce qui respire ;
Les mortels en naissant vont m’adresser leurs vœux,
Le destin vous remet le soin de les conduire,
Quand vous serez vous-même heureux,
Vous pourrez bien mieux les instruire.
Volez plaisirs,
suivez mes pas,
Vous faites le prix de la vie.
Votre charme qui les varie,
Peut seul lui prêter des appas.
Volez plaisirs,
suivez mes pas,
Vous faites le prix de la vie.
(Ballet
des Plaisirs & de toute la suite de l’Amour.)
L’AMOUR.
Que l’Amour seul soit votre maître :
Dès qu’on respire il doit être écouté.
On ne saurait trop tôt connaître
La route qui conduit à la félicité.
(On
danse.)
L’AMOUR.
Aimez, jouissez sans cesse
Des doux loisirs
Que le destin vous laisse.
¨Par vos concerts,
par vos chants d’allégresse,
Annoncez aux Dieux vos plaisirs.
CHŒURS.
Aimons, jouissons sans cesse
Des doux loisirs
Que le destin nous laisse.
Par nos concerts,
par nos chants d’allégresse,
Annonçons aux Dieux nos plaisirs.
(Sur
ce Chœur, il se forme une danse générale, qui finit le Prologue.)
FIN DU PROLOGUE.
Zaïs
Ballet héroïque
ACTE
PREMIER.
Le
Théâtre représente une avenue champêtre. Le Temple de l’Amour
est dans le fonds : on y voit dans le milieu la statue
du Dieu.
SCÈNE PREMIÈRE.
ZAÏS en Berger,
CINDOR.
CINDOR.
Génie égal aux Dieux,
Zaïs, aimez comme eux.
Ne prenez de l’Amour que ce qu’il a d’aimable :
Épargnez-vous d’inutiles soupirs ;
Sans les fixer jamais amusez vos désirs.
S’il est une chaîne agréable
Ce n’est que celle des plaisirs.
ZAÏS.
Connais mieux les douceurs d’un amour véritable.
Tout se change en plaisir près de l’objet aimé.
Sa langueur intéresse, il ravit s’il soupire.
D’une aimable gaieté paraît-il animé,
C’est l’Amour que l’on croit voir sourire.
À ses accents, l’air qu’on respire
Semble sans cesse parfumé
Par les tendres soupirs de Flore & de Zéphyr.
Tout se change en plaisirs près de l’objet aimé.
CINDOR.
Les charmes d’une amour nouvelle
Sur vos malheurs passés ferment toujours vos yeux.
Zaïs, pour pouvoir
être heureux,
Vous exigez trop d’une Belle ;
Vous voulez remplir tous ses vœux,
Et qu’elle soit toujours fidèle,
Un tel effort est-il d’une mortelle.
Zaïs pour pouvoir
être heureux,
Vous exigez trop d’une Belle.
ZAÏS.
L’Amour par ce déguisement
A déjà commencé le bonheur de ma vie.
J’adore une Bergère, & son âme attendrie…
CINDOR.
Une Bergère aussi peut trahir son amant.
ZAÏS.
Sa candeur me promet le bonheur que j’espère.
Non ce n’est que dans les hameaux
Qu’on peut trouver un cœur sincère.
Je la vois… fuis Cindor, ta présence en ces lieux,
De mon déguisement trahirait le mystère.
CINDOR.
Il suffit. Je ne suis visible qu’à vos yeux.
(Cindor
disparaît.)

SCÈNE II.
ZAÏS, ZÉLIDIE.
ZAÏS.
Aimable Zélidie, un solennel oracle
Rend chère à nos Bergers la fête de ce jour.
Ne venez au temple de l’Amour,
Que pour voir ce charmant Spectacle.
ZÉLIDIE.
Zaïs, je ne cherchais que vous.
Pour moi votre tendresse est l’oracle suprême,
Et le spectacle le plus doux,
Est de voir l’objet que l’on aime.
ZAÏS.
Le bonheur m’arrête en ces lieux :
Il se refusait à mes vœux,
Sans vous il me fuirait encore.
À mon âme, vos tendres feux
Ont été ce que sont aux Cieux
Les premiers rayons de l’aurore.
ZÉLIDIE.
Que mon cœur est touché de cet heureux retour !
Hélas ! Avant de vous connaître
Mes regards erraient dans ce séjour.
Je vous vis & je crus renaître ;
Le terre s’embellit des feux de votre amour.
Ce que je vois m’offre
sans cesse
Des beautés dont le charme augmente mon bonheur.
Des oiseaux la tendre allégresse,
Un ruisseau qui murmure, une naissante fleur,
Tout flatte & nourrit ma tendresse,
Se pare de vos traits, & vous peint à mon cœur.
ZAÏS.
Que notre ardeur soit éternelle,
Et qu’elle augmente chaque jour.
ZAÏS & ZÉLIDIE.
On ne formera jamais une chaîne aussi belle ;
Je ne vis que par mon amour.
(On
entend dans l’éloignement le prélude d’une fête.)
ZAÏS.
Nos bergers dans ce temple en foule vont se rendre…
Pour célébrer l’Amour joignons-nous avec eux.
ZÉLIDIE.
Ce Dieu n’en verra point dont le cœur soit plus tendre,
Ni qu’il ait rendu plus heureux.

SCÈNE III.
ZAÏS, ZÉLIDIE, BERGERS,
BERGÈRES.
CHŒUR.
Accourons tous, que tout s’empresse
D’adorer le Dieu des amants.
ZAÏS & ZÉLIDIE,
avec le Chœur.
Qu’il nous enchaîne, qu’il nous blesse ;
Qu’il rende heureux tous nos moments.

SCÈNE IV.
LA GRANDE PRÊTRESSE
DE L’AMOUR, PRÊTRESSES, & LES ACTEURS PRÉCÉDENTS.
LA GRANDE PRÊTRESSE.
Unissez vos chants & vos vœux :
L’Amour se plaît à les entendre.
C’est sur vous qu’il aime à répandre
Ses bienfaits les plus précieux.
Dieu vainqueur,
dieu charmant, le reste des mortels
Aspire à tes bienfaits sans brûler de tes flammes.
L’encens de ces bergers honore tes autels,
Tu règnes toujours sur leurs âmes.
LES CHŒURS reprennent
avec la PRÊTRESSE.
Unissons nos chants, &c.
Unissez vos chants, &c.
LA GRANDE PRÊTRESSE
seule.
Tendres Bergers offrez-lui vos présents :
Portez à ses autels des désirs innocents.
BALLET
FIGURÉ.
Les Bergers & les Bergères
entrent dans le Temple. La grande Prêtresse précédée des Prêtresses,
& suivie de Zaïs & de Zélidie les suivent. On couronne
la statue du Dieu de guirlandes de fleurs, les Bergers &
les Bergères reviennent sur le devant du théâtre.
LA GRANDE PRÊTRESSE.
Dieu, souverain des Dieux que l’Univers encense ;
La fortune offre à ta puissance
Les plus riches présents pour ravir tes faveurs.
De ces Bergers la tranquille innocence
Ne porte à tes autels qu’un cœur tendre & des fleurs.
(On
danse.)
ZÉLIDIE.
Tous les biens qu’offre la fortune
N’ont qu’une douceur importune :
L’Amour seul peut les rendre chers.
Une fleur nouvelle
Que nous offre un amant fidèle,
Vaut tous les biens de l’Univers.
LA GRANDE PRÊTRESSE.
Aux autels de l’Amour le cœur doit seul conduire,
Lorsqu’on veut fléchir ses rigueurs,
Il garde toutes ses douceurs
Pour les tendres feux qu’il inspire.
(On
entend une symphonie voluptueuse).
Ces sons harmonieux
m’annoncent sa présence.
Cœurs légers et
présomptueux,
Vous ignorez les biens que sa main nous dispense.
Craignez de l’irriter par de profane vœux.
Chantez, bergers heureux, il va combler votre espérance.
ZAÏS, ZÉLIDIE, LA
GRANDE PRÊTRESSE,
alternativement avec le CHŒUR.
Descend des cieux
Dieu de nos âmes :
Vole, règne sur nous, viens embellir ces lieux.
Partout où brillent tes flammes,
On trouve le séjour des Dieux.

SCÈNE V.
L’AMOUR, sur des
nuages légers, ornés de guirlandes de fleurs :
& LES ACTEURS PRÉCÉDENTS.
L’AMOUR.
Ma puissance prépare à l’Empire amoureux
Un exemple touchant, & d’illustres modèles.
Vous qui formez
de nouveaux nœuds,
Méritez de fixer sur eux
Mes faveurs immortelles.
Éprouvez l’objet
de vos feux.
L’Éclat de mon flambeau ne blesse point les yeux
Des amants tendres et fidèles :
Plus leurs épreuves sont cruelles,
Plus leur triomphe est glorieux.
L’Amour commande,
allez, & remplissez mes vœux.
(L’Amour
s’envole, tous les Acteurs se retirent.)
FIN
DU PREMIER ACTE.
