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Ballet
Bouffon en trois actes et un Prologue.
texte
du livret de 1749
(celui de la partition comporte des variantes.)
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Personnages
du Prologue
THESPIS,
inventeur de la comédie (Le Sr La Tour)
UN SATIRE (Le Sr Benoit).
VENDANGEUSES (Mesdemoiselles Cartou & Dalman).
THALIE (La Delle Fel).
MOMUS (Le Sr Albert).
L'AMOUR (La Delle Coupé).
CHOEURS ET TROUPES de Satyres, de Ménades, de Paysans vendangeurs,
de leurs Femmes & de leurs Enfants.
Personnages
du Ballet
PLATEE,
Nymphe d'un grand marais au pied du Mont Cithéron (Le Sr Jélyotte).
CITHERON (Le Sr Le Page).
JUPITER (Le Sr de Chassé).
JUNON (La Delle Chevalier).
MERCURE (Le Sr Bérard).
IRIS, MOMUS (Le Sr Cuvillier).
LA FOLIE (Le Delle Fel).
CLARINE, Fontaine suivante de Platée (La Delle La Bourbonnais).
UNE NAIADE, autre suivante de Platée (La Delle Metz).
NAIADES de la cour de Platée.
AQUILONS.
Choeurs suivants de MOMUS.
Suivants de la FOLIE, d'un caractère gai.
Suivants de la FOLIE, d'un caractère sérieux.
Satyres & Dryades.
Troupe d'autres Satyres.
Suivants de MOMUS sous la forme de Grâces.
Choeurs & Troupes d'Habitants de la campagne, de leurs Femmes
et de leurs Enfants.

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Prologue
La Naissance
de la Comédie
Le
Théâtre représente une vigne de Grèce : on voit plusieurs
allées de grands arbres qui soutiennent des treilles :
Entre les troncs de ces arbres & au pied des coteaux qui
sont sur les côtés & dans le fond, des chariots pleins de
raisins, de grandes cuves et des pressoirs d'où coule le vin
dans des baignoires antiques. Thespis, inventeur de la Comédie,
paraît sur le devant du théâtre, endormi sur un lit de gazon :
plusieurs vendangeurs sont occupés dans le fond, à porter la
vendange dans les cuves.

Scène 1.
THESPIS,
endormi, CHOEURS & TROUPES de Satyres, de Ménades, de Paysans
vendangeurs, de leurs Femmes & de leurs Enfants qui entrent
en dansant.
UN
SATYRE.
Le ciel répand ici sa plus douce influence,
Bacchus a comblé nos désirs.
Coulez, jus précieux, coulez en abondance,
Vous êtes l'âme des plaisirs.
CHOEUR.
Coulez, jus précieux, coulez en abondance,
Vous êtes l'âme des plaisirs.
(On
danse).
LE
SATYRE.
En vain l'affreux hiver s'avance,
L'Amour, par vos présents, augmentant sa puissance,
Rend à nos coeurs la saison des Zéphyrs,
Vous ranimez nos feux & nos tendres désirs.
CHOEURS.
Coulez, &c.
(On
danse.)
LE
SATYRE,
apercevant Thespis endormi.
Que vois-je ? Est-ce Thespis ? Oui, c'est lui qui
sommeille,
Ce doux jus sur ses yeux fait l'effet des pavots :
Doit-il en ce grand jour se livrer au repos,
Lui qui chante si bien le grand dieu de la treille ?
Il
s'approche de THESPIS pour le réveiller.
Ranimez
vos sens assoupis,
Réveillez-vous, Chantez, agréable Thespis.
LE
CHOEUR.
Ranimez, &c.
THESPIS,
en s'éveillant.
Rendons grâce à Bacchus du sommeil qu'il nous donne,
Qu'il est tranquille ! qu'il est doux !
(Il
se rendort.)
LE
SATYRE ET LE CHOEUR autour de THESPIS.
Thespis, chantez, réveillez-vous.
THESPIS,
fâché.
Chantons, vous m'y forcez ; mais songez qu'en Automne,
Dans mes chansons, je n'épargne personne.
DEUX
VENDANGEUSES.
Joyeux Thespis, point de courroux.
THESPIS.
Je sens qu'un doux transport me saisit & m'inspire.
Charmant Bacchus, dieu de la liberté,
Père de la sincérité,
Au dépens des Mortels, tu nous permets de rire.
Mon
coeur plein de la vérité,
Va se soulager à la dire :
Dussé-je être mal écouté.
Charmant
Bacchus, &c.
(Il
s'adresse aux Ménades.)
Ménades
& jeunes & belles,
A vos amants êtes-vous bien fidèles ?
On ne le crois pas parmi nous.
CHOEUR
de Ménades.
Thespis, rendormez-vous.
THESPIS.
Il s'adresse aux Satyres.
Dignes amants de ces jeunes coquettes,
Invincibles buveurs, tous trompés que voue êtes,
Vous n'aimez pas assez pour en être jaloux.
CHOEUR
de Satyres.
Thespis, rendormez-vous.
THESPIS.
Il s'adresse à tous.
Au milieu d'une orgie où règne la licence,
Ménades, vos secrets sont mal en assurance,
On me les a dit presque tous.
CHOEUR
de Satyres et de Ménades.
Thespis, rendormez-vous.

Scène 2.
THALIE,
MOMUS, et les acteurs de la Scène précédente.
THALIE
à THESPIS.
Non, poursuivez, Thespis, livrez-vous à Thalie ;
Pour exercer votre aimable folie,
Je remets mon masque entre vos mains.
(Elle
donne à Thespis le masque qu'elle tient.)
A
vos chants, à vos jeux, rien ne peut faire obstacle.
Je viens avec Momus en former un spectacle,
Pour corriger les défauts des humains.
MOMUS.
Aux seuls humains bornez-vous la satire ?
Vous pouvez jusqu'aux dieux, étendre son empire ;
Je vous prêterai mon appui.
La raison dans l'Olympe est souvent hors d'usage.
Hé, qui pourrait résister à l'ennui
D'être immortel & toujours sage ?
MOMUS,
THALIE, THESPIS.
Cherchons à railler en tous lieux,
Soumettons à nos ris & le ciel & la terre :
Livrons au ridicule une éternelle guerre,
N'épargnons ni mortels ni dieux.
MOMUS.
Dans ces lieux, Jupiter lui-même
Descendu de sa gravité,
Par un risible stratagème
Guérit jadis d'une épouse qu'il aime,
La jalousie & la fierté.
Je
veux avec Thespis en retracer l'histoire,
La Grèce en garde encore la célèbre mémoire.

Scène 3.
L'AMOUR
et les acteurs de la Scène précédente.
L'AMOUR.
Qu'ose-t-on sans l'Amour entreprendre ici-bas ?
Quittez un projet téméraire.
Quels sont les jeux qui pourraient plaire
Que l'Amour n'animerait pas ?
THALIE.
Venez, Amour, guidez nos pas,
Soyez toujours notre dieu tutélaire.
L'AMOUR.
Confondons nos jeux et nos ris.
Voulez-vous
critiquer les feux que je fis naître ?
Lorsque vous les aurez bien ou mal travestis,
Je me réserve après, d'en ordonner en maître :
Vous verrez qu'à la fin, chacun aura son prix
Quand l'Amour se fera connaître.
THESPIS.
Momus, Amour, Dieu des raisins?
Divinités charmantes,
Par des leçons réjouissantes
Nous corrigerons les humains.
(Il
s'adresse à tous les différents Choeurs & Troupes.)
Et
vous, heureux témoins d'une union si belle,
Montrez, pour la servir ce que peut votre zèle.
LES
ACTEURS, et les CHOEURS.
Formons un spectacle nouveau.
Les
filles de mémoire
Publieront à jamais la gloire
Des auteurs d'un projet si beau.
Formons
un spectacle nouveau.
Bacchus,
c'est ta victoire,
Livrons-nous au plaisir de boire,
L'hypocrêne est sur ce côteau.
Formons
un spectacle nouveau.
Les
filles de mémoire
Publieront à jamais la gloire
Des auteurs d'un projet si beau.
Formons
un spectacle nouveau.
(On
danse.)
THESPIS,
alternativement avec le CHOEUR.
Chantons Bacchus,
Chantons Momus,
Chantons l'Amour & ses flammes,
Que
tour à tour
Dans ce séjour,
Ces dieux remplissent nos âmes.
SEUL.
Sans le vin,
Sans son ivresse,
La tendresse
N'est que chagrin.
Alternativement
avec le CHOEUR.
Chantons Bacchus, &c.
SEUL.
Veut-on rire ?
C'est à Bacchus qu'on a recours,
Momus lui dût toujours
Son plus charmant délire.
Alternativement
avec le CHOEUR.
Chantons Bacchus, &c.
(On
danse à toutes les Reprises et à la fin de ce Choeur, tous se
retirent en dansant.
FIN
DU PROLOGUE.

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Platée
Ballet
Bouffon
ACTE
PREMIER
Le
théâtre qui reste le même pendant tout le Ballet, représente
un lieu champêtre ; sur les côtés, sont différents petits
Bâtiments rustiques entremêlés d'arbres fort touffus ; on voit
dans le fond, le Mont Cithéron, sur le sommet duquel est un
temple de Bacchus ; au bas, est un grand Marais plein de
roseaux, entouré de vieux saules.
Le
ciel paraît chargé de nuages ; et de temps en temps l'on
entend des coups de vent.

Scène 1
CITHERON.
Dieux, qui tenez l'Univers, dans vos mains,
Voyez les éléments nous déclarer la guerre :
S'il est de coupables humains,
Punissez-les par le tonnerre,
Et rendez à la terre
Le calme & la douceur de ses premiers destins.
Mais
je vois Mercure descendre !
Mais cris se sont-ils fait entendre ?
(Mercure
descend du ciel.)

Scène 2.
CITHERON,
MERCURE.
CITHERON.
Mercure, expliquez-nous par quels malheurs nouveaux
Le ciel nous fait sentir sa vengeance ou sa haine ?
Des Aquilons fougueux la dévorante haleine
Menace à chaque instant nos champs et nos côteaux.
MERCURE.
D'une cruelle jalousie
La Déesse des airs suit l'aveugle transport ;
Pour calmer la fureur dont son âme est saisie,
On fait d'inutiles efforts ;
Jupiter s'en impatiente,
Et je lui cherche un doux amusement.
CITHERON.
Par quelque feinte ardeur, quelque ruse innocente,
Ne peut-on guérir son Epouse aisément ?
Si Junon paraît implacable,
Que d'un nouvel hymen il feigne les apprêts,
Bientôt il cessera de paraître coupable :
Et bientôt leur amour reprendra ses attraits.
MERCURE.
Ce projet est riant. Mercure vous proteste
D'en amuser la cour céleste ;
J'en attends un succès heureux.
CITHERON.
Il pourrait devenir funeste.
Il est quelquefois dangereux
De feindre une amoureuse flamme :
C'est un badinage où notre âme
S'expose à ressentir de véritable feux.
C'est
du choix de l'objet.
MERCURE.
Proposez.
CITHERON.
Je le veux.
Dans
un Marais profond, monument du déluge,
Qui vit jadis Deucalion,
Une Nymphe a fait son refuge
AU pied de ce sombre vallon.
(Il
montre le Marais.)
Cette
Naïade ridicule,
Et que de tous les temps a proscrite l'Amour,
Sur ses comiques traits aveuglément crédule,
Espère chaque jour
Que mille amants viendront l'adorer tour à tour.
Que Jupiter, feignant de ce rendre à ses charmes,
Vienne lui proposer un tendre engagement :
Informez-en Junon, excitez ses alarmes,
Nous l'attendrons à l'éclaircissement.
(PLATEE
paraît dans le fond du théâtre.)
Voulez-vous
voir l'objet de cette amour nouvelle.
MERCURE.
Je monte aux Cieux où Jupiter m'appelle.
(Il
jette un coup d'oeil sur Platée.)
C'est
à lui de juger d'un objet si charmant.
(Il
remonte au ciel, CITHERON se retire.)

Scène 3.
PLATEE,
CLARINE, Fontaine sa suivante, CITHERON, à l'écart.
PLATEE.
Que ce séjour est agréable !
Qu'il est aimable !
Ah, qu'il est favorable,
Pour qui veut perdre sa liberté !
Dis-moi, mon coeur, t'es-tu bien consulté.
Ah, mon coeur, tu t'agites !
Ah, mon coeur, tu me quittes !
Est-ce pour Cithéron ? T'as-t-il bien mérité ?
Que
ce séjour, &c.
CLARINE.
Sur quoi fondez-vous l'espérance
Que Cithéron se soumette à vos lois ?
PLATEE.
Sur ce que je le vois,
De plus loin quelque fois,
Comme un amant timide, éviter ma présence.
CLARINE.
Quoi ! Devenir sensible...
PLATEE.
Hélas ! Oui, je le crois.
CLARINE.
Pour un simple mortel !
PLATEE.
Il faut bien faire un choix :
Où porter ma tendresse ?
Jamais l'amour ne blesse
Nos Dieux dont les coeurs sont si froids.
(Elle
aperçoit CITHERON.)
L'Amour,
l'Amour avec moi s'intéresse.
Mon amant vient, je l'aperçois.
Habitants
fortunés, voisins de ces bocages,
Quittez vos sombres marécages,
Hâtez-vous, venez promptement
Vous rassembler sous l'herbe tendre ;
Si l'on ne vous voit pas, qu'on puisse vous entendre
Célébrer cet heureux moment.
Que
vos voix m'applaudissent,
Que les airs retentissent ;
Chantez & criez tous,
Que vos accents s'unissent
A ces charmants oiseaux, dont les chants sont si doux.?
(On
entend le croassement des grenouilles & le chant des Coucous,
qui continuent pendant tout le Choeur suivant.)
CHOEUR
qu'on ne voit pas.
Que nos voix applaudissent,
Que les airs retentissent ;
Chantons & crions tous,
Que nos accents s'unissent ;
A ces charmants oiseaux, dont les chants sont si doux.

Scène 4.
PLATEE,
CLARINE, CITHERON qui s'est approché.
PLATEE,
à Cithéron.
Quelque douce inquiétude
Vous conduit en ces lieux ?
CITHERON.
Non. Je cherche la solitude.
PLATEE.
On y peut trouver mieux.
Il s'y rencontre des Dryades
Qui viennent volontiers dans ces lieux écartés,
Et jusqu'aux humides Naïades,
Tout doit sentir ce que vous méritez.
CITHERON.
Oserais-je aspirer à des Divinités ?
C'est au respect à m'en défendre.
PLATEE.
On aimerait autant un sentiment plus tendre :
Les discours obligeants sont toujours écoutés.
Pour
un amant qui sait plaire,
Il n'est point de rang trop haut :
Dût-il avoir le défaut
D'en devenir téméraire.
CITHERON.
L'amour audacieux...
PLATEE.
Le vôtre est circonspect.
CITHERON.
Il est vrai, je le vois, tout le monde vous adore,
Et mon profond respect...
PLATEE.
Quoi ! Le respect encore :
Qu'il est langoureux ce respect,
Hélas, qu'il est suspect.
(Suivant
de près Cithéron.)
Je
m'attendris !
Cruel, tu ris !
Je vois à tes mines
Que tu me devines,
Ah ! Ah ! Charmant vainqueur,
N'aimes-tu point ? Non, non, tu dédaignes mon coeur.
Serais-tu
timide ?
(Irritée
des refus obstinés de CITHERON.)
Non.
Tu n'es qu'un perfide,
Un perfide envers moi.
(Le
poursuivant avec fureur.)
Dis
donc, dis donc pourquoi ?
Quoi ? Quoi ?
Dis donc pourquoi ?
CHOEUR
qu'on ne voit pas.
Quoi ? Quoi ?
(Elle
se met à pleurer. Mercure descend du ciel en traversant le théâtre.)
CITHERON.
Naïade, apaisez-vous à l'aspect de Mercure :
Il descend des cieux, je le vois.
PLATEE.
Mercure ! Ah ! Se peut-il.
CITHERON.
Sans doute, et j'en augure
Que quelque Dieu rempli d'amour...
PLATEE.
Quoi ? Quoi ?
LE
CHOEUR caché.
Quoi ? Quoi ?

Scène 5.
PLATEE,
CLARINE, CITHERON, MERCURE.
MERCURE,
à PLATEE,
après beaucoup de profondes révérences.
Déesse qui régnez dans ces Marais superbes,
Sur des Sujets dans nombre errant parmi les herbes,
Ne trouverez-vous pont indigne de vos fers,
Le Dieu qui lance le tonnerre ?
Ce Dieu par vos beautés attiré sur la terre,
Veut soumettre à vos pieds son coeur & l'univers.
PLATEE.
Le croirai-je, beau Mercure,
Que d'une âme bien pure
On brûle pour mes appas ?
Puis-je en être assez sure
Pour soupirer tout bas ?
MERCURE
& CITHERON.
Platée a mérité cette gloire éclatante.
CITHERON,
à Platée.
Vous ne blâmerez plus une âme indifférente
Pour un bonheur qui n'eût pu s'achever.
Tout
annonçait en vous la fortune brillante
Où l'amour d'un grand Dieu devait vous élever.
MERCURE
& CITHERON.
out annonçait en vous la fortune brillante
Où l'amour d'un grand Dieu devait vous élever.
Platée
a mérité cette gloire éclatante.
PLATEE,
à MERCURE.
Mais ce Dieu plein d'ardeur,
Pour attaquer mon coeur,
Se fait longtemps attendre ?
MERCURE.
Il va se rendre,
Et bientôt, près de vous.
(Quelques
éclairs annoncent l'orage.)
PLATEE.
Le ciel qui s'obscurcit m'en donne le présage :
La Déesse des airs y signale sa rage,
Mais rien n'arrête son Epoux.
PLATEE.
Je crains peu son courroux,
Dans mon humide Empire on crie après l'orage.
Annonçons
ce beau jour,
Aux Nymphes de ma Cour.
Quittez,
Nymphes, quittez vos demeures profondes ;
Un torrent de célestes ondes
Est prêt d'inonder ces climats.
Et
vous, Junon, pleurez, arrosez mes Etats.
Quittez,
Nymphes, quittez vos demeures profondes ;
Un torrent de célestes ondes
Est prêt d'inonder ces climats.
(Toutes
les Nymphes de la Cour de PLATEE sortent du fond du marais,
s'élèvent au-dessus des roseaux & s'avancent sur la Scène.)

Scène 6.
PLATEE,
MERCURE, CITHERON, CLARINE, CHOEUR & TROUPE de NYMPHES
de la suite de PLATEE.
CHOEUR
de Nymphes.
Epais nuages,
Rassemblez-vous ;
Tombez sur nous ;
Enflez nos rivages :
Jusqu'à vos ravages,
Tout nous sera doux.
(Les
Nymphes forment différentes danses dans leur caractère.)
CLARINE
{& UNE NAIADE}.
Soleil, tu luis en vain : les humides Naïades
Te refusent des voeux :
Et si nous en faisons, c'est pour que les Hyades
Eteignent à jamais ta lumière & tes feux.
(On
danse encore.)
MERCURE
rentrant sur la Scène d'où il était sorti pendant le divertissement.
Nymphes, les Aquilons viennent troubler la fête.
(L'arc-en-ciel
paraît.)
Je
vois Iris qui s'avance à leur tête.
Un vent impétueux agite les roseaux,
Retirez-vous au fond des eaux.
(Une
troupe d'Aquilons, par une entrée extrêmement vive, force les
Nymphes à se retirer dans leur marais.)
FIN
DU PREMIER ACTE.

|
ACTE
SECOND.
Scène
1.
MERCURE,
CITHERON.
MERCURE.
Je viens soulager Junon dans sa colère,
Par un aveu qu'elle croyait sincère,
Athènes deviendra l'objet de son courroux :
Et déjà l'espoir la console
D'y surprendre à la fois la Nymphe & son Epoux.
(Un
nuage conduit par des Aquilons traverse le théâtre.)
Vous
voyez qu'elle y vole.
En
toute liberté,
Jupiter va paraître.
Il vient...
CITHERON.
Retirons-nous dans ce bois écarté.
MERCURE.
Nous verrons tout sans nous faire connaître.
(Ils
se retirent tous les deux à l'écart.)

Scène 2.
JUPITER,
MOMUS, dans un Char à demi-descendu.
AQUILONS suspendus en l'air.
JUPITER,
aux Aquilons.
Aquilons trop audacieux,
Craignez ma colère ;
Fuyez de ces lieux.
Pour
voir de près la beauté qui m'est chère,
Pour lui rendre un hommage aussi vif que sincère,
Je quitte le séjour des Cieux.
Aquilons
trop audacieux,
Craignez ma colère ;
Fuyez de ces lieux.
(Les
Aquilons disparaissent, des nuages couvrent le char où sont
JUPITER & MOMUS. PLATEE s'avance du fond du théâtre.)

Scène 3.
PLATEE.
(Elle s'approche du nuage qui s'est étendu
jusqu'à terre, et le considère).
A
l'aspect de ce nuage ;
Je ne saurais m'abuser !
Jupiter sait tout oser :
Mais aurai-je le courage
De recevoir son hommage,
Ou de le refuser ?
(Les
nuages font quelques mouvements.)
Le
nuage s'entrouvre
Je vois du mouvement :
Je crois qu'il me découvre
Mon adorable amant.
(La
partie d'en-bas des nuages se sépare & remonte dans la partie
d'en-haut. JUPITER paraît sous la forme d'un Quadrupède, un
petit Amour l'enchaîne de guirlandes de fleurs.)
Quelle
métamorphoses !
Dois-je approcher ? Je n'ose.
C'est une épreuve assurément
Que Jupiter prépare à ma flamme nouvelle.
Venez, venez, j'y suis fidèle,
Quelque soit ce déguisement.
(Elle
s'en approche à une certaine distance, & de temps en temps
le regarde tendrement.)
Apprenez-moi
ce qu'Amour vous inspire;
Et ce que votre coeur prétend.
Vous soupirez, et je soupire ;
Il suffit d'un si doux accent.
Vous dites tout sans rien me dire.
Ah ! Que l'amour est éloquent !
(Pendant
que PLATEE dit ces paroles, JUPITER lui répond avec des sons
naturels à la forme qu'il a prise ; et après quoi il change
de forme & prend celle d'un Oiseau battant des ailes à demie
hauteur du théâtre.)
Quoi !
vous disparaissez !.. Sous quel nouveau plumage
Me représentez-vous
Le plus beau des Hiboux ?
Oiseaux
de ce bocage,
Venez tous,
Chantez* Mais quel ramage !
(*On
entend le charivari des Oiseaux à l'aspect du Hibou, qui après
s'être perché quelque temps, s'envole sans que PLATEE s'en aperçoive.)
Oiseaux,
voue en êtes jaloux,
Changez de langage,
Rendez hommage
Au plus beau des Hiboux.
(Elle
s'aperçoit que l'Oiseau s'est envolé.)
Hélas !
Il s'envole !
Je ne le vois plus.
(Elle
parcourt le théâtre.)
Jupiter...
Jupiter... mes cris sont superflus.
Il faudra donc que mon coeur s'en désole.
Hélas !
Il s'envole !
Je ne le vois plus.
(Pendant
qu'elle s'occupe à pleurer, on entend subitement un grand coup
de tonnerre. Une pluie de feu tombe du ciel : elle parcourt
le Théâtre toute effrayée.)
Ciel !
Quelle terrible rosée !
(Jupiter
arrive sur le Théâtre sous sa véritable forme, suivi de MOMUS !
Il est armé de son foudre est en feu et dont il effraie Platée.)
JUPITER
à PLATEE, lorsque son foudre est éteint.
Charmant objet de mes dignes amours;
Ne soyez plus longtemps abusée.
Comptez sur mon secours.
(Il
jette son foudre.)
J'éloigne
de mes mains la foudre redoutable ;
Je ne viens point vous alarmer.
Jupiter avec vous devenu plus traitable,
Ne s'occupera plus que du plaisir d'aimer.
(Elle
reste toujours tremblante.)
Seriez-vous
infidèle à mes tendres voeux ?...
PLATEE.
........Ouffe.
JUPITER.
Je vous offre des voeux constants :
Vous ne répondez rien...
PLATEE.
Pardonnez-moi, j'étouffe,
Et je soupire en même temps.
JUPITER,
à MOMUS.
En attendant qu'un doux hymen s'apprête,
Qu'on réjouisse ici ma nouvelle conquête :
Momus, rassemblez tous vos jeux ;
Que l'allégresse de la fête
Egale l'excès de mes feux.
MOMUS.
Sujets divers que le délire
Enchaîne à jamais dans ma cour,
Venez, du Dieu qui vous inspire
Soutenez la gloire en ce jour.

Scène 4.
JUPITER,
MOMUS, PLATEE, CHOEUR & TROUPE des suivants de MOMUS, MERCURE
& CITHERON, travestis parmi cette troupe.
LE
CHOEUR,
avec étonnement, autour de PLATEE.
Qu'elle est comique ! Qu'elle est belle !
A tant d'appas
Qui ne se prendrait pas ?
Jupiter soupire pour elle.
Le charmant objet que voilà !
Ah ! Qu'elle est belle ! Ah ! La belle !
Hà !
(PLATEE
est tantôt fâchée & tantôt bien aise selon ce que dit ce
choeur ; après lequel on entend une symphonie extraordinaire.)
MOMUS.
Mais une nouvelle harmonie
Annonce apparemment Terpsichore, ou Thalie.

Scène 5.
LA
FOLIE, une lyre à la main ; et les acteurs de la scène
précédente.
LA
FOLIE.
Vous vous trompez, Momus, non, non.
MOMUS.
Que vois-je ? O ciel !
LA
FOLIE.
C'est moi, c'est La Folie
Qui vient de dérober la Lire d'Apollon.
MOMUS
& LE CHOEUR.
Honneur, honneur à la Folie,
Qui tient la Lyre d'Apollon.
(Différents
quadrilles des Suivantes de MOMUS & de LA FOLIE ; les
uns d'un caractère gai, habillés en Pompons ; les autres d'un
caractère sérieux, vêtus en Philosophes Grecs entrent en dansant,
LA FOLIE, en touchant de sa Lyre, anime leurs danses qui sont
de leurs différents caractères.)
LA
FOLIE.
Formons les plus brillants concerts ;
Quand Jupiter porte les fers
De l'incomparable Platée,
Je veux que les transports de son âme enchantée,
S'expriment par mes chants divers.
(Elle
fait des accords sur sa Lyre, pour l'effrayer.)
Admirez
tout mon art célèbre.
Faisons d'un image funèbre
Une allégresse par mes chants.
(Elle
prélude de nouveau sur sa Lyre ; ensuite elle s'accompagne.)
Aux
langueurs d'Apollon, Daphné se refusa :
L'Amour sur son tombeau,
Eteignit son flambeau,
La métamorphosa.
C'est
ainsi que l'Amour de tout temps s'est vengé :
Que l'Amour est cruel, quand il est outragé !
Aux
langueurs d'Apollon, Daphné se refusa :
L'Amour sur son tombeau,
Eteignit son flambeau,
La métamorphosa.
LE
CHOEUR.
Honneur, honneur à la Folie,
Elle surpasse Polymnie ;
Honneur à ses divins accents.
LA
FOLIE.
Jugez par du beau simple & des sons plus touchants,
Si je connais la mélodie.
Ecoutez bien... surtout ma symphonie.
(Elle
prélude encore sur sa Lyre, & s'accompagne.)
Que
les plaisirs les plus aimables
S'empressent à l'envi de seconder l'amour :
Jeux & ris qui formez sa Cour,
En égayant ses feux, vous les rendrez durables.
Sans
cesse accompagnez nos pas,
Plaisirs badins, c'est dans vos bras
Que notre ardeur se renouvelle.
Si Zéphyr ne badinait pas,
Flore lui serait moins fidèle.
(Elle
veut recommencer la reprise, elle s'interrompt elle-même par
exclamation.)
Vous
Vous admirez mon art suprême,
J'attriste l'allégresse même,
Par mes sons plaintifs & dolents.
LE
CHOEUR.
Honneur, honneur à la Folie,
Elle surpasse Polymnie ;
Honneur à ses divins accents.
LA
FOLIE.
Je veux finir
Par un coup de génie.
(A
MOMUS & à ses Suivants.)
Secondez-moi,
je sens que je puis parvenir
Au chef-d'oeuvre de l'harmonie.
(Seule
d'abord, puis avec MOMUS, MERCURE, CITHERON & TOUS LES CHOEURS.)
Hymen, hymen, l'Amour t'appelle
Prépare à Jupiter une chaîne nouvelle,
Viens couronner la nouvelle Junon.
PLATEE,
à ce mot de nouvelle Junon.
Hé, bon, bon, bon.
LA
FOLIE, MOMUS, MERCURE, CITHERON, TOUS LES CHOEURS, & PLATEE,
à différentes reprises.
Que la flamme
Qui brûle son âme,
Allume ton brandon.
Hé, bon, bon, bon,
Venez tôt, venez donc.
Hé, bon, bon, bon.
Venez donc.
(On
danse à différentes reprises de ce Choeur, & à la fin ;
tous se retirent en dansant avec PLATEE qu'on fait danser aussi.)
FIN
DU SECOND ACTE.

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ACTE
TROISIEME

Scène 1.
JUNON.
Elle entre en fureur, accompagnée d'Iris.
Haine, dépit, jalouse rage,
Je vous livre mon coeur.
Etouffez
mon amour pour un époux volage,
Inspirez-moi votre fureur.
Haine,
dépit, jalouse rage,
Je vous livre mon coeur.
(Mercure
traverse le théâtre à pied, et feint de vouloir éviter JUNON.)

Scène 2.
JUNON,
MERCURE.
(Iris reste toujours sur la scène avec
Junon.)
JUNON.
Arrêtez : Jupiter n'était point dans Athènes :
Vous m'abusiez : vous trompiez mes désirs.
Quel charme trouvez-vous à redoubler mes peines.
MERCURE.
Non. Je verrai bientôt renaître vos plaisirs.
Si
je sers Jupiter, applaudissez mon zèle,
Qui tend à vous servir bien plus que votre Epoux.
JUNON.
Ne croyez pas apaiser mon courroux :
Je veux confondre l'Infidèle.
MERCURE.
Hélas ! Il ne tiendra qu'à vous.
En
ce lieu même il va paraître,
Attendez le moment de vous faire connaître,
Et suspendez vos mouvements jaloux.
(Mercure
s'en va par le fond du théâtre au-devant de JUPITER & de
PLATEE. JUNON sort par un des côtés.)

Scène 3.
TROUPE
de DRYADES & de SATYRES dansants.
CHOEUR & TROUPE de NYMPHES de la Suite de PLATEE, &
de SATYRES chantants.
CLARINE, et une autre NAIADE suivante de Platée ;
PLATEE couverte d'un voile, dans un char tiré par deux
Grenouilles.
JUPITER & MERCURE, à pied, aux deux côtés du Char.
AUTRE TROUPE de SATYRES qui suivent le Char.
(Tous
les acteurs arrivent dans cet ordre & font un tour sur le
théâtre.)
LE
CHOEUR pendant la marche.
Chantons, célébrons en ce jour
Le pouvoir de l'Amour.
Par
lui, la Nymphe peut prétendre
A s'unir au plus grand des Dieux ;
Et le roi le plus glorieux,
A la Bergère peut se rendre.
Chantons,
célébrons en ce jour
Le pouvoir de l'Amour.
(Après
la marche, PLATEE reste dans son Char au fond du théâtre pendant
qu'on danse, après quoi elle en descend, & prend JUPITER
par la main.)
PLATEE
à JUPITER
qu'elle amène au bord du théâtre
Dans
cette fête,
Mon coeur s'apprête
A recevoir ardemment
Les voeux de mon amant.
Mais
il nous manque en ce moment
Pour mon bonheur & pour le vôtre,
L'Hymen, l'Amour ; ou du moins, l'un ou l'autre.
JUPITER
à MERCURE.
Mercure, dites-moi pourquoi ces petits Dieux
Ne me suivent pas dans ces lieux ?
MERCURE.
Ces Dieux, vous le savez, vont rarement ensemble,
C'est un hasard qui les rassemble
Sur la terre, sur l'onde, & même dans les cieux.
PLATEE.
Quoi, faut-il les attendre encore ?
Mon coeur tout agité,
Est impatienté
De l'importante gravité
De ces beaux fils de Terpsichore.
(JUPITER
& MERCURE font rasseoir PLATEE sur un des côtés du théâtre.
On danse le genre le plus noble pour l'impatienter davantage.
La danse est interrompue par une symphonie extraordinaire.)

Scène 4.
MOMUS
un bandeau sur les yeux, avec un arc & un carquois d'une
grandeur ridicule ;
LA FOLIE, sa Lyre à la main,
Et les Acteur de la scène précédente.
JUPITER,
apercevant de loin MOMUS.
Que vois-je ? Est-ce l'Amour, vient-il avec ses armes,
Pour lancer dans mon coeur encore de nouveaux traits ?
(MOMUS
se tient toujours éloigné.)
PLATEE.
Puisqu'il vient pour moi tout exprès ;
Qu'il avance ; il ne peut m'approcher de trop près.
(Quand
MOMUS s'est approché.)
JUPITER
& MERCURE.
C'est Momus ! De l'Amour n'a-t-il pas tous les charmes ?
MOMUS,
à PLATEE, après un salut très profond.
Le tout-puissant Amour, ayant affaire ailleurs,
Ne peut ici venir lui-même,
Il m'a chargé pour vous de toutes ses faveurs.
PLATEE.
Donnez, donnez, ce sera tout de même.
MOMUS.
Ce sont des pleurs.
PLATEE.
Fi......
MOMUS.
Des tendres douleurs.
PLATEE.
Fi......
MOMUS.
Des cris, des langueurs.
(La
symphonie peint ces différents présents que MOMUS apporte à
PLATEE de la part de l'AMOUR.)
PLATEE.
Fi, fi, ce sont-là des malheurs ;
Et s'il faut que j'aime,
Je veux des douceurs.
MOMUS.
Ah ! Du moins, recevez la flatteuse Espérance.
(La
Symphonie peint dans le même genre, l'ESPERANCE.)
PLATEE.
Eh, Fi, votre espérance
N'est qu'une souffrance,
Un vrai signe d'ennui ;
Eh ! Fi.
(La
FOLIE amène sur le bord du théâtre MOMUS qui en paraît assez
embarrassé.)
LA
FOLIE, à MOMUS, en se moquant de lui.
Lance tes traits Amour, épuise ton carquois,
Etends jusqu'à nous ta victoire.
Ajoute
à ta gloire
De nouveaux exploits.
(On
entend un Prélude d'un nouveau caractère.)
PLATEE.
Quel bruit....
MOMUS.
Venez, aimables Grâces.
(Trois
Suivants de MOMUS, sous la forme des Grâces entrent sur la scène.)

Scène 5.
Trois
Suivants de MOMUS sous la forme des GRACES, et les Acteurs de
la scène précédente.
MOMUS,
à PLATEE.
De votre gloire, Amour est si jaloux,
Qu'il veut qu'elles suivent vos traces,
Pour pouvoir en tous lieux lui répondre de vous.
(Ces
trois Suivants de MOMUS, sous la forme des GRACES, dansent comiquement.
LA FOLIE les anime en touchant de sa lyre.)
PLATEE.
Je croyais les Grâces si fades,
Mais leurs amoureuses gambades...
LA
FOLIE.
De mon vaste génie admirez les effets,
Je sais les rendre tantôt vives,
Tantôt innocentes, naïves,
Toujours en les livrant à de charmants excès.
(On
entend un prélude de musique champêtre.)
PLATEE.
Mais, qui nous vient encore ?

Scène 6.
CITHERON?
suivi d'une troupe d'Habitants de la campagne,
et des Acteurs de la scène précédente.
CITHERON,
à PLATEE.
Nymphe, votre conquête
Fait tant de bruit, qu'elle tourne la tête
A tous les Hameaux d'alentour ;
Et mon peuple, en si grand jour,
Veut prendre part à cette auguste fête.
(Les
Habitants de la campagne mêlent leur danses à celle des Styres
& des Dryades.)
CITHERON,
à ses Sujets.
Du plus grand des Immortels
Platée a fait la conquête,
De son triomphe embellissez la fête,
Et préparez-lui des autels.
(On
danse.)
LA
FOLIE, à toutes les différentes troupes.
Chantez Platée, égayez-vous,
Chantez le pouvoir de ses charmes.
LE
CHOEUR.
Chantons Platée, égayons-nous,
Chantons le pouvoir de ses charmes.
TOUS
ENSEMBLE.
Le dieu qui lui rend les armes.
LA
FOLIE et LE CHOEUR ensemble.
Va vous/Va nous combler de ses biens les plus doux.
LA
FOLIE et LE CHOEUR ensemble.
Chantez/Chantons, dansez/dansons, sautez/sautons tous.
LA
FOLIE.
Chantez Platée, égayez-vous.
LA
FOLIE et LE CHOEUR ensemble.
Chantez/Chantons le pouvoir de ses charmes.
(On
danse à toutes les différentes Reprises, et à la fin des Choeurs.)
JUPITER,
à MERCURE, à part au bord du théâtre.
Voici l'instant de terminer la feinte ;
Mais, Junon ne vient point.
MERCURE.
Elle est près de ces lieux.
(JUPITER
va prendre PLATEE par main.)
JUPITER.
(*Platée paraît hésiter à lui donner la
main)
Que de noeuds solemnels*. Mais d'où naît cette
crainte ;
Vous qui ne doutez point du pouvoir de vos yeux ?
PLATEE.
Je songe à votre ancienne épouse.
JUPITER.
Hé quoi ! Qu'en appréhendez-vous ?
PLATEE.
Elle est, à ce qu'on dit, jalouse.
JUPITER.
Nous laisserons agir son impuissant courroux.
Pour célébrer ce noeud si légitime ;
Je jure...
(JUPITER
répète ce dernier mot plusieurs fois, en regardant si JUNON
vient.)

Scène 7.
JUNON,
qui arrive en fureur, suivie d'IRIS, & les Acteurs de la
scène précédente.
JUNON.
Arrête, Ingrat,
Tu n'achèveras pas cet horrible attentat.
Heureuse en ma fureur, saisissons ma victime.
(Elle
se jette sur PLATEE qui cherche à se cacher derrière JUPITER,
et elle lui arrache son voile.)
Que
vois-je ! O ciel !
JUPITER,
à JUNON avec un sourire.
Vous voyez votre erreur.
(PLATEE
sort furieuse, elle emmène toutes ses Nymphes.)
JUNON.
Ma surprise est extrême,
Quelle confusion succède à ma douleur !
JUPITER.
Douterez-vous encore que je vous aime ?
JUNON.
Non. Vous rétablissez le calme dans mon coeur.
ENSEMBLE.
Resserrons notre chaîne.
JUNON
& JUPITER ENSEMBLE.
Votre fidélité répond à mes/Mon coeur à vous aimer borne
tous ses - désirs.
JUNON
& JUPITER ENSEMBLE.
Heureux les coeurs qui n'éprouvent de/Voudrais-je hélas, vous
causer d'autre - peine.
ENSEMBLE.
Que celle qui mène aux plaisirs.
Resserrons notre chaîne.
JUPITER.
Quittons ces lieux,
Montons au séjour du tonnerre,
Il n'appartient point à la terre
D'arrêter plus longtemps le Souverain des Dieux.
JUPITER
& JUNON montent au ciel au bruit du tonnerre avec IRIS &
MOMUS ; ils sont enveloppés dans les nuages. MERCURE vole
devant eux. LA FOLIE reste sur la terre. PLATEE est ramenée
sur la Scène par une troupe d'Habitants de la campagne, de leurs
femmes & de leurs Enfants qui l'entourent & se moquent
d'elle.

Scène Dernière.
PLATEE,
CITHERON, LA FOLIE.,
Tous les CHOEURS & Troupes de Satyres,
De Dryades & d'Habitants de la campagne.
LA
FOLIE, avec tous les Choeurs.
Chantons Platée, égayons-nous,
Chantons le pouvoir de ses charmes.
(Différents
quadrilles de danses se forment pour se moquer de Platée.)
PLATEE,
en fureur.
Taisez-vous.
Ou, par la mort, je vous punirai tous.
LES
CHOEURS.
Le Dieu qui lui rend les armes
Va nous combler de ses biens les plus doux,
Chantons, dansons, sautons tous.
(On
danse.)
PLATEE.
Quoi ! L'on craint si peu mon courroux ?
Je
brouillerai, je troublerai mon onde,
Et c'est du sein de ma grotte profonde,
Que je vous porterai/lancerai mes coups.
LES
CHOEURS.
Chantons Platée, égayons-nous,
Chantons le pouvoir de ses charmes.
(On
danse.)
PLATEE.
Taisez-vous.
Ou, par la mort, je vous punirai tous.
(A
Cithéron, qu'elle prend à la gorge.)
Tu
vois ma rage,
Frémis d'effroi :
D'un tel outrage
Je n'accuse que toi.
CITHERON.
Que moi !
PLATEE.
Oui, toi.
ENSEMBLE.
CITHERON... N'accusez que l'ingrat qui vous manque de foi.
PLATEE... Je n'accuse que toi, je n'accuse que toi.
LES
CHOEURS.
Chantons Platée, égayons-nous,
Chantons le pouvoir de ses charmes.
PLATEE.
Quoi ! L'on prétend braver mes coups ?
Courons, allons contre eux exhaler mon courroux.
(Elle
prend sa course et va se précipiter dans son Marais. La Folie
emmène avec elle les différentes troupes se réjouir du raccommodement
de Jupiter & de Junon.)
FIN
DE PLATEE.

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