Le
théâtre représente un bosquet d'une forêt de l'Amérique, voisine
des colonies françaises et espagnoles où doit se célébrer la
cérémonie du Grand Calumet de la Paix
Scène
1.
ADARIO, commandant les guerriers
de la nation sauvage.
On
entend les fanfares des trompettes françaises.
ADARIO.
Nos guerriers, par mon ordre unis à nos vainqueurs,
Vont ici de la paix célébrer les douceurs ;
Mon coeur seul dans ces lieux trouve encor des alarmes.
Je vois deux étrangers illustres par les armes,
Épris de l'objet de mes voeux ;
Je crains leurs soupirs dangereux,
Et que leur sort brillant pour Zima n'ait des charmes.
Rivaux
de mes exploits, rivaux de mes amours,
Hélas! dois-je toujours
Vous céder la victoire ?
Ne paraissez-vous dans nos bois
Que pour triompher à la fois
De ma tendresse et de ma gloire ?
Apercevant
ses rivaux.
Ciel !
Ils cherchent Zima ... voudrait-elle changer ?
Cachons-nous ... apprenons ce que je dois en croire !
Sachons et si je dois et sur qui me venger !
Il
se cache à l'entrée de la forêt et les observe.

Scène
2.
DAMON, officier
français, DON ALVAR, officier espagnol, ADARIO caché.
ALVAR.
Damon, quelle vaine espérance
Sur les pas de Zima vous attache aujourd'hui ?
Vous outragez l'amour, et vous comptez sur lui !
Croyez-vous ses faveurs le prix de l'inconstance ?
DAMON.
L'inconstance ne doit blesser
Que les attraits qu'on abandonne.
Non, le fils de Vénus ne peut pas s'offenser
Lorsque nous recevons tous les traits qu'il nous donne.
Un coeur qui change chaque jour,
Chaque jour fait pour lui des conquêtes nouvelles,
Les fidèles amants font la gloire des belles,
Mais les amants légers font celle de l'amour.
Dans ces lieux fortunés c'est ainsi que l'on pense ;
De la tyrannique constance
Les coeurs n'y suivent point les lois.
ALVAR,
apercevant Zima.
Tout les prescrit au mien ...
C'est Zima que je vois !

Scène
3.
ZIMA, fille du chef de la nation sauvage,
ALVAR, DAMON, ADARIO caché.
ALVAR,
à Zima.
Ne puis-je vous fléchir par ma persévérance ?
DAMON,
à Zima.
Ne vous lassez-vous point de votre indifférence ?
ZIMA.
Vous aspirez tous deux à mériter mon choix;
Apprenez que l'amour sait plaire dans nos bois !
Nous
suivons sur nos bord l'innocente nature,
Et nous n'aimons que d'un amour sans art.
Notre bouche et nos yeux ignorent l'imposture ;
Sous cette riante verdure,
S'il éclate un soupir, s'il échappe un regard,
C'est du coeur qu'il part.
DAMON,
ALVAR.
Vous décidez pour moi ; j'obtiens votre suffrage.
Ah ! Quel heureux instant !
ALVAR.
La nature qui seule attire votre hommage
Nous dit qu'il faut être constant.
DAMON.
Elle prouve à nos yeux qu'il faut être volage.
La
terre, les cieux et les mers
Nous offrent tour à tour cent spectacles divers ;
Les plus beaux jours entr'eux ont de la différence ;
N'est-il défendu qu'à nos coeurs
De goûter les douceurs
Que verse partout l'inconstance ?
A
Zima.
Voilà
vos sentiments ... dans vos sages climats
L'inconstance n'est point un crime.
ZIMA.
Non, mais vous oubliez, ou vous ne savez pas
Dans quel temps l'inconstance est pour nous légitime.
Le
choeur change à son gré dans cet heureux séjour ;
Parmi nos amants, c'est l'usage
De ne pas contraindre l'amour ;
Mais dès que l'hymen nous engage,
Le choeur ne change plus dans cet heureux séjour.
ALVAR,
montrant Damon.
L'habitant des bords de la Seine
N'est jamais moins arrêté
Que lorsque l'hymen l'enchaîne;
Il se fait un honneur de sa légèreté ;
Et pour l'épouse la plus belle
Il rougirait d'être fidèle.
DAMON,
montrant Alvar.
Les époux les plus soupçonneux
Du Tage habitent les rives,
Là, mille beautés plaintives
Reçoivent de l'hymen des fers et non des noeuds ;
Vous ne voyez jamais autour de ces captives
Voltiger les Ris et les Jeux.
Belle Zima, craignez un si triste esclavage !
ALVAR,
à Zima.
Cédez, cédez enfin à mes soins empressés !
ZIMA.
Je ne veux d'un époux ni jaloux ni volage.
A
l'Espagnol.
Vous
aimez trop,
Au
Français.
Et vous,
vous n'aimez pas assez.
ALVAR.
Que vois-je?

Scène
4.
ZIMA, DAMON, ALVAR, ADARIO.
Adario
sortant avec vivacité de la forêt, Zima, charmée de son transport,
lui présente la main.
ZIMA.
C'est l'amant que mon coeur vous préfère.
ALVAR,
les apercevant.
Osez-vous prononcer un arrêt si fatal!
ZIMA.
Dans nos forêts on est sincère.
ALVAR,
montrant Adario.
Je saurai m'immoler un odieux rival.
ADARIO,
fièrement, à Alvar.
Je craignais ton amour, je crains peu ta colère.
ALVAR,
l'arrêtant.
C'en est trop ...
DAMON,
arrêtant Alvar.
Arrêtez ...
ALVAR,
surpris.
Damon, y pensez-vous?
Quoi, c'est vous qui prenez contre moi sa défense ?
DAMON,
à Alvar.
J'ai trop protégé l'inconstance
Pour ne pas m'opposer à l'injuste courroux
Qui vous est inspiré par la persévérance.
On
entend un prélude qui annonce la fête.
DAMON.
Déjà, dans les bois d'alentour,
J'entends de nos guerriers les bruyantes trompettes.
Leur sons n'effrayent plus ces aimables retraites ;
Des charmes de la paix ils marquent le retour.
A
Alvar.
À vos
tristes regrets dérobez ce beau jour !
Que le plaisir avec nous vous arrête !
ALVAR,
s'éloignant.
Hélas ! Je vais cacher un malheureux amour.
DAMON,
le suivant.
Venez, venez plutôt l'amuser à la fête !

Scène
5.
ADARIO, ZIMA.
ADARIO.
Je ne vous peindrai point les transports de mon coeur,
Belle Zima, jugez-en par le vôtre !
En comblant mon bonheur
Vous montrez qu'une égale ardeur
Nous enflamme l'un et l'autre.
ZIMA.
De l'amour le plus tendre éprouvez la douceur !
Je vous dois la préférence.
De vous à vos rivaux je vois la différence :
L'un s'abandonne à la fureur,
Et l'autre perd mon coeur avec indifférence.
Nous ignorons ce calme et cette violence.
Sur
nos bords l'amour vole et prévient nos désirs.
Dans notre paisible retraite
On n'entend murmurer que l'onde et les zéphirs ;
Jamais l'écho n'y répète
De regrets ni de soupirs.
ADARIO.
Viens, hymen, hâte-toi, suis l'amour qui t'appelle.
ZIMA
& ADARIO.
Hymen, viens nous unir d'une chaîne éternelle !
Viens encore de la paix embellir les beaux jours !
Viens ! Je te promets d'être fidèle.
Tu sais nous enchaîner et nous plaire toujours.
Viens ! viens ! Je te promets d'être fidèle.

Scène
6.
ZIMA, ADARIO, FRANÇAISES en habit
d'amazones, GUERRIERS FRANÇAIS & SAUVAGES, SAUVAGESSES,
BERGES DE LA COLONIE.
ADARIO,
aux sauvages.
Bannissons les tristes alarmes !
Nos vainqueurs nous rendent la paix.
Partageons leurs plaisirs, ne craignons plus leurs armes !
Sur
nos tranquilles bords qu'Amour seul à jamais
Fasse briller ses feux, vienne lancer ses traits !
CHOEUR
DES SAUVAGES.
Bannissons les tristes alarmes !
Nos vainqueurs nous rendent la paix.
Partageons leurs plaisirs, ne craignons plus leurs armes !
Sur nos tranquilles bords qu'Amour seul à jamais
Fasse briller ses feux, vienne lancer ses traits !
Danse
du Grand Calumet de la Paix, exécutée par les Sauvages.
Rondeau
ZIMA,
ADARIO.
Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos coeurs.
S'ils sont sensibles,
Fortune, ce n'est pas au prix de tes faveurs.
CHOEUR
DES SAUVAGES.
Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos coeurs.
S'ils sont sensibles,
Fortune, ce n'est pas au prix de tes faveurs.
ZIMA,
ADARIO.
Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais
Offrir tes faux attraits !
Ciel, tu les as faites
Pour l'innocence et pour la paix.
CHOEUR
DES SAUVAGES.
Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais
Offrir tes faux attraits !
Ciel, tu les as faites
Pour l'innocence et pour la paix.
ZIMA,
ADARIO.
Jouissons dans nos asiles,
Jouissons des biens tranquilles!
Ah! peut-on être heureux,
Quand on forme d'autres voeux ?
CHOEUR
DES SAUVAGES.
Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos coeurs.
S'ils sont sensibles,
Fortune, ce n'est pas au prix de tes faveurs.
Premier
Menuet pour les Guerriers et les Amazones
Deuxième
Menuet
Prélude
ZIMA.
Régnez, plaisirs et jeux ! Triomphez dans nos bois !
Nous n'y connaissons que vos lois.
Tout ce qui blesse
La tendresse
Est ignoré dans nos ardeurs.
La nature qui fit nos coeurs
Prend soin de les guider sans cesse.
L'Entrée
finit par un ballet général des guerriers Français et sauvages,
de Françaises en amazones, de bergers et de bergères de la colonie,
au bruit des trompettes et aux son des musettes.
Chaconne
FIN
DES SAUVAGES.
