Le
texte suivant est extrait d'un article publié par Claude
Debussy dans le Gil Blas du 28 juin 1903.
[...]
Je
ne saurais trop lui recommander un certain Rameau...
C'est presque un "jeune" puisque voilà bientôt un
siècle qu'on le laisse attendre une trop juste revanche. Il
a écrit Les Indes Galantes, dont je ne saurais affirmer
qu'elle ont le côté "grande opérette" de Muguette
ou de La Petite Maison, les derniers ouvrages que monte
M. A. Carré ; mais elles se défendent par une élégance
d'écriture et une émotion, dont la loyauté me semble aussi
oubliée que le nom de Rameau.
Il est arrivé à ce dernier à peu près la même aventure qu'à
Watteau. Celui-ci meurt, les années passent, le silence se
fait..., organisé par des confrères qui savaient bien ce qu'ils
faisaient. Maintenant le soleil de gloire illumine le nom
de Watteau, et aucune orgueilleuse époque de la peinture ne
peut faire oublier le plus grand, le plus troublant génie
du XVIIIe siècle. Nous avons dans Rameau
le double exact de Watteau. N'est-il donc pas grandement temps
de lui rendre la place à laquelle il a seul droit de prétendre,
au lieu d'obliger la musique française à se recommander des
traditions lourdement cosmopolites qui empêchent son naturel
génie de se développer librement.
